22 novembre 2013
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Taoufik Gouma, « L'emphase en arabe marocain : vers une analyse autosegmentale », HAL-SHS : linguistique, ID : 10670/1.i9e964
La présente thèse est dédiée à l’étude de la phonologie de l’emphase en arabe marocain (AM), un des phénomènes linguistiques les plus complexes de la langue arabe de par son statut controversé et très ambigu, qui change d’une langue à l’autre, d’un dialecte à l’autre, voire parfois d’une région à l’autre au sein d’un même dialecte. Nous nous intéressons dans un premier temps à la phonétique de l’emphase et nous montrons, à travers une comparaison des études des grammairiens arabes, puis de celles des orientalistes pour finir avec celles des linguistes contemporains, que la caractéristique articulatoire principale des consonnes emphatiques, par rapport à leurs contreparties non emphatiques, est le recul de la racine de la langue, appelé pharyngalisation. Ceci se reflète acoustiquement dans l’élévation du F1 et l’abaissement du F2 des voyelles adjacentes. Dans la partie phonologique, nous nous intéressons d’abord à l’évolution de cette classe de segments, qui dérivent de glottalisées, afin de montrer que les paramètres définis par nos prédécesseurs, à savoir le lieu d’articulation coronal commun aux emphatiques classiques (/tˁ, dˁ, sˁ, ˁ/), l’emphatisation des segments adjacents, la directionnalité et le blocage de l’emphase sont à reformuler. Nous étudions ensuite les différentes hypothèses sur le site phonologique de l’emphase, à savoir le site consonantique et le site vocalique, et nous montrons leurs limites. Nous proposons par la suite notre propre hypothèse, l’hypothèse autosegmentale, selon laquelle le site phonologique de l’emphase a évolué, en passant d’un site consonantique, spécifique aux coronales, à un autosegment indépendant. Cette hypothèse est confirmée par les données de l’AM, mais aussi par celles d’autres variétés arabes comme l’arabe classique, qui montrent que certains mots qui ne contiennent aucune emphatique classique, ni même de coronale, s’opposent à d’autres mots sur la seule base de l’emphase, comme en AM, [bˁabˁa] ‘papa’ vs. [baba] ‘mie de pain’. Nous montrons dans la dernière partie de la thèse que la directionnalité de cette harmonie est, contrairement à ce que stipulent les études précédentes, toujours unidirectionnelle, et que les palatales /i, j, , / ne jouent aucun rôle dans son blocage. Enfin, nous montrons aussi que la racine constitue le domaine morphologique de l’emphase.