7 décembre 2021
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Olivier Gaudin, « S’éduquer en Anthropocène entre Héphaïstos et Athéna : vers un ingenium des entrelacs terriens/machines: D’ingénieur à enseignant en sciences industrielles de l’ingénieur, le cas de trois reconversions professionnelles », HAL-SHS : sciences de l'éducation, ID : 10670/1.iaswfg
L’évènement Anthropocène, en rompant les équilibres fondamentaux entre la Terre et les humains qui y habitent, ébranle, dans le même mouvement, les fondements des institutions de transmissions d’une culture qui a participé de ces ruptures. Que transmettre alors à la nouvelle génération ? Ce qui a été considéré comme une actualisation de cet évènement, la reconversion d’ingénieurs vers un métier dit « porteur de plus de sens », ici le métier d’enseignant, interroge en miroir ces institutions. Ces reconversions vers le métier d’enseignant bousculent par exemple les formations à ce métier qui sont conçues selon le modèle de la formation initiale, questionné ici, et non selon celui des processus éducatifs tout au long de la vie. Ces intrusions de corps avec leur expérience propre mettent un peu en lumière l’imaginaire de ce système scolaire français et plus particulièrement celui des lycées dont la création par Napoléon se lie avec la centralisation de l’État français. La figure problématique imaginaire, fil conducteur de cette recherche, sera celle de Prométhée dont les mythes sont souvent convoqués pour comprendre l’hubris de l’Anthropocène. C’est avec la théorie de l’énaction (Varela) et une anthropologie de l’éducation (Lerbet-Séréni) que s’est élaborée dans cette thèse une approche de l’ingenium entre mythe et énaction. Elle est une autre voie que celle de la distinction Nature/Culture pour explorer l’expérience comprise comme évènements vécus et continuellement interprétés. C’est cette expérience propre des corps qui a souvent été mise à l’écart aussi bien par la forme scolaire que par la distinction Nature/Culture qui l’imprègne. C’est à partir de cette autre approche en ingenium, approche qui cherche à conjoindre plutôt qu’à disjoindre, que l’action efficace dans le monde, faire pour comprendre, comprendre pour faire, sera comprise comme technè et cognition incarnée avec la figure d’Héphaïstos. Ce que montre l’Anthropocène, c’est que l’action efficace a trop souvent été disjointe des questions éthiques de ce qu’elle produit. Dans cette approche en ingenium, ce questionnement éthique ne se réduit pas à un raisonnement intellectuel mais passe par le corps et peut être compris par « mon corps se révolte, nous sommes ». Ce passage d’un humain rêvé mais hors-sol aux terriens (Latour) permet de comprendre autrement nos relations aux machines. Revenir à l’expérience permet de les comprendre comme entrelacs terriens/machines, s’entrelacer avec les machines se faisant de manière plus ou moins ouverte selon que l’on s’ouvre ou que l’on se ferme au non-sens produit en incarnation. Le terrain de la méthodologie est constitué de trois ingénieurs devenus enseignants. Des entretiens non-directifs suivis d’une analyse de contenu ont montré sept formes scolaires d’entrelacs terriens/machines. Les machines de la forme scolaire se sont plutôt fermées au non-sens produit par les rencontres intergénérationnelles en voulant, dans une approche prométhéenne, préparer à un futur pourtant incertain. En s’ouvrant à l’incertain, s’éduquer en Anthropocène entre Héphaïstos et Athéna, voudrait dire s’autoriser à laisser s’engendrer des entrelacs terriens/machines avec leurs terrains de vie, ce dont on dépend pour vivre (Latour), tout en écrivant et en éprouvant entre soi et les autres des savoirs à propos de ce qui s’y est élaboré en cheminant. Cette autre approche ouvre à d’autres chemins vers où s’éduquer en Anthropocène.