2019
Cairn
Emmanuel Grimaud, « La face obscure de la clairvoyance. Petite histoire des machines à mesurer l’aura », Cahiers d'anthropologie sociale, ID : 10670/1.ib3u3g
Au croisement des sciences psychiques, de la physique et de la médecine, la vision « aurique » a fait l’objet d’expérimentations et de débats depuis la fin du xixe. Si cette course à la clairvoyance n’a jamais vraiment cessé, elle a même subi un curieux rebond au début du xxie, alors qu’un grand nombre d’appareils à mesurer « bioénergies » et champs magnétiques apparurent, donnant naissance à un véritable marché thérapeutique de l’« aura reading », aussi bien aux États-Unis, en Russie qu’en Inde. Dans ce laps de temps, l’invisible semble avoir changé radicalement de consistance, désormais criblé d’ondes de toutes sortes. Alors que la radioactivité s’est imposée comme un véritable paradigme pour lire le rapport des hommes à leur milieu, la notion d’aura se retrouve couramment appliquée et repensée dans des thérapies diverses de rééquilibrage « énergétique » (géopathie, géobiologie, etc.). La complexité des enjeux soulevés par ces expérimentations aux frontières de l’optique sera abordée ici à partir d’un cas en particulier, celui d’un ingénieur indien qui travailla pendant plus de trente ans au département d’Énergie atomique. Cet ingénieur mit au point dans les années 1990 un appareil qu’il nomma Universal Aura Scanner, version améliorée d’un appareil de radiesthésie qu’il avait conçu, le Hydro Scanner, afin de repérer les zones aquifères. Le Scanner Universel devait permettre de mesurer soi-même les fréquences « auriques », les émanations de tout objet (vivant ou inanimé) et leurs interactions magnétiques. Ses recherches, disait-il, allaient bien plus loin que celles de l’ingénieur russe Semyon Kirlian sur l’électro-photographie (datant de la fin des années 1930) et auraient des conséquences écologiques bien plus importantes, dans la mesure où il serait possible à n’importe qui de mesurer par soi-même les transferts d’énergie et de détecter ainsi ce qui se passe dans les basses couches (ou les hautes sphères) du réel.