4 mai 2023
Damien Jeanne, « Les autorités au risque des « flèches » de la peste : prise en charge ou persécution de victimes émissaires ? », HAL-SHS : histoire, ID : 10670/1.ibmyin
Quand en 1346, les États de la chrétienté occidentale sont touchés par la peste, la puissance du prince est théoriquement absolue et en pratique limitée . Pierre Chaunu rappelait que la peste noire n’avait pas modifié les équilibres géopolitiques . Michel Foucault estimait quant à lui qu’à l’âge classique, « pour voir fonctionner les disciplines parfaites, les gouvernements rêvaient de l’état de peste ». Se pose ainsi la question de savoir si les États deviennent plus coercitifs envers leurs sujets, pratiquent la charité dans une pastorale du secours ou désignent des responsables à la vindicte populaire. En d’autres termes, les épidémies formeraient-elles un ordre persécuteur ?La létalité de Yersinia pestis peut impacter 60 % d’une population, en proie alors à une grande panique – le dieu Pan est celui du chaos par lequel tout devient possible – qui engendre une crise morale par la dislocation du lien social. Une communauté humaine soumise à une telle perte des repères peut facilement imploser en véritable crise sacrificielle. Le médecin de la cour pontificale d’Avignon Guy de Chauliac s’interroge dans le second traité de sa Grande chirurgie (1363) sur la capacité de la société à faire leur « résilience » en trouvant des responsables lors d’épidémies de pestes récurrentes (1348 et 1360) tels que les juifs, les nobles ou les « pauvres mutilés » (des lépreux ?) qui, une fois annihilés permettraient la l’enthousiasme de la réconciliation . Les causes des maladies se trouvent enchâssées dans les éléments naturels (terre, air, eau), si bien que le principe de précaution englobe tous les gestes de la vie. Ce n’est donc pas par ignorance mais par abondance d’informations que se trouvent les facteurs des maladies. Par conséquent, ceux qui enfreignent les règles pourraient provoquer un déséquilibre funeste et infecter l’ensemble du corps social. Pour pallier ce problème, les autorités ecclésiastiques dispensent des soins médicaux et organisent des rituels de réconciliation sous forme de procession, exhibant devant la foule des fidèles la statue du saint frappeur et guérisseur de la maladie (saint Roch, médecin sauvé de la peste et qui en meurt finalement).