2 juin 2023
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Madeleine Biardeau, « L’arbre śamī et le buffle sacrificiel », Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, ID : 10670/1.ibndg8
L’arbre śamī se trouve associé en des formules diverses au culte de la Déesse dans l’Inde péninsulaire. Il est d’abord évoqué dans le contexte épique où apparaît déjà une juxtaposition textuelle de la śamī et de la Déesse. Déchiffré à partir de son apparition dans le rituel védique, qui l’associe à la production du feu sacrificiel, il est ensuite retrouvé sous diverses formes dans le rituel de Vijayādaśamī et les mythes qui sous-tendent cette fête annuelle de la Déesse : tantôt représentation de la Déesse victorieuse à qui l’on rend un culte, tantôt identifié au démon que tue la même Déesse, tantôt enfin symbole de l’or et de toute prospérité, l’arbre śamī est dans tous ces aspects chargé de signification seulement à l’intérieur du rituel. En Andhra et en Orissa, c’est le bois de śamī qui fournit le matériau d’un poteau d’une forme particulière planté devant le temple de la Déesse. Dans les deux cas, il est lié au sacrifice de buffle et évoque le poteau sacrificiel védique associé au feu ; mais en Andhra, il est de plus érigé de façon permanente pour représenter le frère cadet de la Déesse et son gardien, en réalité le démon-buffle (Pōtu Rāju) que celle-ci a tué et converti en son dévot, comme le confirme le rôle rituel du personnage humain de basse caste, Pot Rāj, dans le Deccan, à la fois dans le sacrifice de buffle et dans la śamí-pūjā.On montre ainsi le lien symbolique essentiel entre un thème védique et des aspects qui peuvent être très « populaires » et « locaux » de l’hindouisme, et le rôle crucial de la Déesse guerrière dans la permanence de ce lien. L’épopée fournit la médiation entre védisme et hindouisme populaire, en ce qu’elle a transformé le sacrifice rituel du Veda en un sacrifice de la guerre extra-rituel.