"Je sais expliquer comment j'aurais cherché donc j'ai raison": Dissimulation et pouvoir de la forme scolaire dans les TPE en filière scientifique

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8 septembre 2022

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Stéphane Vaquero, « "Je sais expliquer comment j'aurais cherché donc j'ai raison": Dissimulation et pouvoir de la forme scolaire dans les TPE en filière scientifique », HAL-SHS : sociologie, ID : 10670/1.id1koh


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Durant les différentes périodes de massification scolaire, un certain nombre de dispositifs pédagogiques ont visé à répondre aux critiques adressées à l’« académisme » des cours disciplinaires dans l’enseignement secondaire : Loisirs dirigés durant le Front populaire, 10 % pédagogiques dans les années 1970, Travaux pratiques encadrés (TPE) ou plus récemment Grand oral au lycée général. Les élèves doivent y répondre à des questions souvent liées à leurs centres d’intérêts, leur vie quotidienne ou leurs loisirs à partir d’une « démarche de recherche ». En filière scientifique, les élèves sont invités à organiser, en « autonomie », une expérience scientifique. La communication proposée montre que si ces dispositifs fondés sur le « concret » et le « pratique » ne remettent pas en question la prédominance de la forme scolaire (Vincent, 1994, p. 39), ils modifient néanmoins les formes de « pouvoir par le savoir » (Lahire, 2021). Cette étude s’appuie sur l’observation, dans un lycée de province, du travail de 70 élèves de première scientifique durant quatre mois en TPE ainsi que sur l’analyse de leurs productions, de leurs carnets de bord hebdomadaires, et des entretiens de groupes menés avec eux et avec les six enseignants qui les ont encadrés (Vaquero, 2019).Contre toute attente, les groupes les plus valorisés sont ceux qui, par leur maîtrise des structures narratives, de la mise en intrigue, de l’esthétisation du discours, de la mise en évidence des enjeux seconds, réalisent des productions montrant ce qu’ils auraient pu mener comme expérience scientifique. À l’inverse, les élèves qui essaient de « vraiment » mener une expérience n’ont pas l’habitude de la « scénariser » eux-mêmes (Bonnéry, 2009), ils perdent trop de temps, ils sont jugés « peu autonomes » et échouent la plupart du temps à tirer des conclusions valables. On peut expliquer cette prédominance de la forme scolaire par la configuration du dispositif (pédagogisation et scripturalisation de la démarche), mais aussi par le fait qu’elle traduit aux yeux des enseignants une division sociale du travail scientifique légitime entre de « simples techniciens » et les élèves « chercheurs » qu’ils doivent former dans l’enseignement long, qui doivent savoir planifier, expliquer et concevoir.Néanmoins, le « pouvoir par les savoirs » s’exerce de manière spécifique dans ces dispositifs. Contrairement aux cours disciplinaires, où la soumission à la raison impersonnelle reste la règle (Vincent, 1994), ici les élèves sont tacitement autorisés à « affirmer », à « avoir raison » dès lors qu’ils parviennent à produire une narration (mise en intrigue, montée en généralité des enjeux) montrant l’expérience scientifique qu’ils auraient pu mener pour démontrer tel ou tel élément de savoir. Ces élèves qui « savent raconter » le font avec l’accord tacite des enseignants, qui y voient un apprentissage « faute de mieux » de la démarche de recherche. La maîtrise de la narration devient alors un argument d’autorité en soi, relativement autonome vis-à-vis de la soumission à l’épreuve des faits. C’est donc par sa remise en question au nom du « concret » que la forme scolaire confère du pouvoir aux élèves qui la maîtrisent, tout en montrant une apparente distance avec elle.

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