8 janvier 2024
Ali Mostfa, « La liberté d'expression dans le contexte islamique. Les retournements performatifs des actes offensifs », HAL-SHS : linguistique, ID : 10670/1.innxzw
La liberté d'expression dans le contexte islamique :Les retournements performatifs des actes offensifs La question de la liberté d'expression et de ses limites est un sujet controversé, souvent ravivant le débat sur le « choc des cultures et des civilisations ». Il est difficile d'établir un cadre éthique commun à toutes les cultures et religions pour répondre à la question : « Où s'arrête la liberté de dire, de voir ou de montrer ? ». Dans le contexte islamique, la liberté d'expression est soumise aux limites morales inspirées du texte coranique, notamment la prescription de ne pas infliger de préjudice (darar) à autrui. Cependant, les délimitations entre la loi coranique (ḥukm qur'ānī) et la prescription éthique (waṣf akhlāqī) ne sont pas toujours clairement définies, entraînant des interprétations excessives et arbitraires qui témoignent d'une croyance en dérive. De plus, les restrictions relatives à la liberté d'expression imposées par le texte coranique, comme la diffamation et l'injure (al-jahr bi-sū'), la sédition (al-fitna), et le blasphème (alramī wa al-qaḍf), sont des violations morales envers autrui que le texte ne considère pas toujours comme des lois contraignantes. Dans le contexte islamique, la question de la liberté d'expression est structurée autour de la notion d'offense (ẓulm, shaṭm), qui constitue une limite (ḥudūd) que le croyant ne doit pas franchir. Le dépassement de cette limite est considéré comme une faute morale. Ainsi, les juristes musulmans privilégient la dimension morale de la liberté d'expression. Deux points essentiels émergent de cette analyse. Le premier concerne le rapport à l'autre et les frontières éthiques au-delà des croyances individuelles, où la liberté d'expression doit être envisagée sous l'angle de la sagesse et de l'équilibre, tenant compte de l'intention de l'émetteur et de la réception du destinataire. Le second point souligne l'offense et la douleur (ālām) que peuvent engendrer ces actes. Même la souffrance irrationnelle peut fonder un droit légitime limitant certaines formes de liberté d'expression, donnant ainsi force de droit à l'émotion provoquée. Cela interroge la place accordée par les sociétés libérales à l'offense causée par certaines formes de liberté d'expression et son traitement, étant donné que la pensée libérale tend généralement à s'opposer à la limitation de la liberté d'expression au seul motif de l'offense. L'émergence de l'islam dans l'espace européen pose un défi crucial à l'éthique islamique et aux limites qu'elle impose à la liberté d'expression. La lecture « offensive » des expressions considérées comme des formes de liberté de parole postule l'idée de l'atteinte à la sensibilité, une catégorie que le droit des États laïcs considère souvent comme une raison juridique faible. Cet article vise à explorer le statut de la liberté d'expression dans le contexte islamique, en interrogeant ses déclinaisons et ses imbrications éthiques et religieuses.