« Elus du Monde » et « Elus de Dieu », Familles de pouvoir et haut clergé en Amérique centrale, 1753-1829

Résumé Fr

L'expression de Brantôme "Elus du Monde" est révélatrice de ce que sont les élites modernes, élus par la Nature du fait de leur naissance et par le Monde c'est-à-dire par le consensus des inférieurs qui ne discutent pas leur légitimité. Les premiers dans la hiérarchie de l'époque étaient donc aussi les meilleurs. Ces groupes sociaux dignes d'estime, largement représentées par la noblesse, renvoient à une image de la société admise et véhiculée par de nombreux écrits mais aussi par des comportements collectifs –associant signes extérieurs et symboles sociaux-. Pour essayer de comprendre comment ces groupes se formaient en tant qu'élites « naturelles » destinées à gouverner l'ensemble des sociétés d'Ancien Régime, nous sommes partis d'un terrain d'étude relativement « exotique », assez peu connus dans l'historiographie d'Ancien Régime : l'Amérique centrale examinés entre 1753 et 1829. Dans ce cadre il nous a paru nécessaire d'intégrer un des phénomènes majeures qui caractérisent les sociétés modernes : l'identité religieuse. Quel rôle jouait le catholicisme dans le système colonial ? Quelle était la nature, l'influence du pouvoir clérical ? Ne s'était-il pas trouvé dans une position de pouvoir original lorsque le système colonial s'est effondré ? Ce regard posé sur l'Eglise, un des agrégats les plus compacts des sociétés modernes a par ailleurs de nombreux avantages car il nous ramène sans cesse sur l'étude des élites. En effet, si l'ordre social, aux hiérarchies pesantes, est signifié par des messages ceux-ci sont prioritairement décodés par les "Elus de Dieu" (expression utilisée dans le dictionnaire de théologie catholique) car le tout puissant créateur de la Nature et donc des Elus du Monde est aussi représentés dans la société moderne par une partie de lui-même : le clergé.