2007
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Bonaventure Maurice Mengho et al., « Le monde rural congolais et ses problèmes de développement », Pays enclavés (documents), ID : 10670/1.iuvges
Si au Congo les différentes composantes du milieu naturel ne sont pas partout pleinement favorables aux activités rurales, elles leur offrent toutefois un certain nombre d’atouts : un relief généralement modéré, de vastes étendues de terres cultivables, une chaleur constante et des précipitations assez fortes et régulières, des réserves forestières importantes. La relative fragilité des sols impose cependant une grande prudence quant aux techniques de culture. Par contre, la mise en valeur des potentialités agricoles, piscicoles, pastorales, se heurte à plusieurs obstacles. C’est en premier lieu la faiblesse de la densité humaine, et singulièrement dans les campagnes où un exode continu vers les villes a fortement ralenti la croissance naturelle de la population et entraîné un certain déséquilibre des structures démographiques ; c’est aussi le poids des traditions ancestrales, certes respectables, mais qui freinent l’évolution de la société paysanne vers une modernisation indispensable des relations sociales et des méthodes de production ; ce sont enfin les insuffisances notoires, en nombre comme en qualité, des infrastructures socio-économiques : voies de communication, équipements sanitaires et scolaires. Depuis près de trois quarts de siècle, les pouvoirs publics coloniaux, puis nationaux, ont multiplié les formes d’encadrement des paysans : des Sociétés Indigènes de Prévoyance (S.I.P.) aux villages-centres, en passant par les Centres de Coopération rurale (C.C.R.), les Groupements Pré-coopératifs Villageois (G.P.V.), etc. ; leur perpétuelle remise en cause montre assez qu’elles n’ont jamais pu atteindre les objectifs qui leur étaient fixés, et qu’elles n’ont parfois pas donné le moindre résultat positif. Mais l’administration s’est efforcée aussi d’accroître les revenus des ruraux par la production de denrées d’exportation, soit dans des plantations agro-industrielles (huile de palme et palmistes), soit dans des «plantations paysannes» (café, cacao, tabac, bananes) ; or, après une période d’extension, les unes et les autres ont décliné au point d’avoir presque disparu aujourd’hui : il convient d’en rechercher les raisons. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les pouvoirs publics ont mis en œuvre dans le Niari un très important projet de développement régional fondé sur l’implantation d’un colonat européen en vue de la production industrielle d’arachides. Malgré diverses reconversions, ce fut un échec quasi total. Deux autres projets ultérieurs, dans le sud et le nord du pays, n’ont été qu’à peine amorcés avant d’être abandonnés. . . Le Congo disposant de plusieurs ressources naturelles, leur mise en valeur peut-elle provoquer un certain développement du monde rural ? L’exploitation forestière génère des revenus et entraîne la formation à divers métiers dans la zone où elle s’exerce, mais de façon seulement temporaire, car l’épuisement des permis signifie une migration à terme des chantiers qui ne laissent rien derrière eux. Si l’extension des savanes est un facteur favorable à l’élevage bovin qui a connu un certain succès dans le sud du pays, une grande partie du bétail a disparu pendant les troubles des dernières années. Par contre, la pêche en eaux douces, d’ancienne tradition dans l’ouest de la Cuvette, connaît une activité croissante que des progrès techniques dans la production et la commercialisation pourraient stimuler. L’exploitation minière souffre au Congo, selon les cas, de la faiblesse des réserves, d’une mauvaise situation géographique ou géologique, et sauf pour le pétrole dont l’extraction ne concerne pas le monde rural, d’une rentabilité peu assurée. Ceci explique que la contribution de cette activité à l’économie rurale là où elle s’est exercée, n’a été jusqu’ici que peu importante ou seulement momentanée. C’est l’urbanisation massive du pays et l’énorme marché de consommation qu’elle a induit qui semblent être actuellement le facteur le plus efficace de l’évolution de l’agriculture vivrière. Confrontés à une très forte demande de produits alimentaires traditionnels pour l’approvisionnement des citadins, les paysans modifient peu à peu leurs comportements quant aux superficies travaillées, aux modes de production, aux plantes cultivées. Des études s’imposent concernant l’extension des «bassins vivriers » des villes, les changements qui s’y produisent en milieu paysan, la nature et la répartition des marchés ruraux, toutes données indispensables à la préparation d’un plan de développement des campagnes et des actions à mener pour conforter les progrès en cours. Mais en économie de marché, la production est inséparable de la commercialisation. Or, les Offices nationaux auxquels cette tâche avait été confiée sous le régime socialiste ont tous fait faillite avant d’être dissous. Le rôle de l’État devrait donc être d’exercer un certain contrôle sur les entreprises privées qui ont pris le relais, et de veiller à ce qu’elles ne lèsent pas à la fois les producteurs et les consommateurs, et pour cela, parmi d’autres conditions, qu’elles disposent d’un bon réseau routier et ferré. Mais il lui revient aussi, parce que le développement économique n’est pas possible sans un développement «humain », d’assurer aux campagnes une couverture sanitaire et éducative bien plus complète et de meilleure qualité qu’elle ne l’est aujourd’hui.