2023
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Mylène Danglades, « Écrire les paysages et les mots/maux de la terre dans Batouala de René Maran », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.j2uusp
L’homme, quel qu’il soit, se déploie dans des espaces multiples, sécables ou plus spécifiques. Il dirige çà et là ses pas au quotidien et tout un univers se déploie autour de lui, densément peuplé d’êtres vivants, de croyances, de rituels, d’habitats protéiformes, de végétation, et rythmé par des activités socio-économiques. L’humain se projette dans ce tableau hétérogène et tend à appréhender sa matérialité subjective et évolutive. Ses perceptions et ses représentations mentales de l’espace interfèrent et l’amènent à poser sur son environnement immédiat ou plus lointain des regards scrutateurs, interrogateurs,globalisateurs ou plus réducteurs. Il considère les lieux qui l’entourent et s’inscrit alors dans des formes de rapports de forces visant à se les approprier ou à les éructer. L’espace peut être « vu, perçu, ressenti, aimé ou rejeté, modelé par les hommes », comme le souligne l’universitaire Armand Fremont (1976, p.223). La matérialité spatiale combine le vécu humain, la réalité objective, les phases évolutives des territoires et des hommes. L’espace est coextensif, « il en est solidaire » (1993, p.857-865).Le romancier René Maran, en nous proposant en 1921 son roman, intitulé Batouala, nous plonge dans la description d’un ailleurs, dans la vie des « nègres de l’Afrique Equatoriale » (MARAN, 1921, p.10). Il semble dès lors nous engager dans une perspective géographique sociale du territoire de l’Oubangui-Chari, un espace cosmologique etgéopoétique.L’histoire de « la région où va se dérouler ce roman d’observation impersonnelle » (MARAN, 1921, p.17) et les ferments de l’écriture de René Maran s’amalgament pour décrire des paysages centraux ou périphériques, des espaces interstitiels, une matière extensible qui balisent des itinéraires, enveloppent des parcours de vie et une géographie existentielle. Les stratégies spatiales, mentales et verbales permettent-elles à l’homme de se frayer un chemin au travers des lianes filandreuses, des drames solitaires et muets de l’existence ? L’épaisseur de la forêt pourrait refléter celle de l’homme ou à l’inverse uneforme de déperdition et d’égarement de l’être.