26 mai 2010
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Bruno Berthier, « Un héritage juridique durable ? (pp. 97-143) », HAL-SHS : histoire des religions, ID : 10670/1.j3a3o4
La dimension ecclésiastique – au sens d'histoire institutionnelle du religieux – de l'événement de 1860 constitue le troisième point fort de l'apport de cette journée d'études, que la contribution [..] de Bruno Berthier sur la définition des « droits acquis » dans la Savoie annexée jusqu'à la tabula rasa de la loi de Séparation du 9 décembre 1905 a contribué à éclairer et à renouveler. À cet égard, la Savoie a su, de 1860 à 1905, maintenir efficacement, dans le champ religieux, certaines « spécificités exorbitantes de la législation sarde » au regard de la loi française. Le maintien des quatre diocèses, que s'emploie à dénoncer le très anticlérical Paul Bert dans les années 1880, en constitue peut-être le signe le plus manifeste, en ce qu'il fait perdurer, par-delà l'annexion, les anciennes circonscriptions ecclésiastiques héritées d'une sacralisation millénaire du découpage territorial. À vrai dire, la Restauration, en accord avec le Saint-Siège, avait déjà, entre 1817 et 1822, partiellement défait la coïncidence imposée par la Constitution civile du clergé entre département et diocèse en créant des diocèses en partie étrangers à la nouvelle logique administrative (Reims et Châlons, Aix-en-Provence et Marseille) et en conférant un titre épiscopal à d'anciennes cités déchues administrativement – qu'on songe, pour se limiter aux diocèses immédiatement circonvoisins de la Savoie, à Belley, à Saint-Claude, à Autun, à Viviers. Mais la nouvelle exception des diocèses de Tarentaise et de Maurienne vient assurément, et pour plus d'un siècle, confirmer la singularité savoyarde et consolider le traditionalisme ecclésiastique de la province ecclésiastique de Chambéry. De même, le maintien – plus difficilement acquis – de quelques particularités financières dans l'assiette de l'Église de Savoie, qu'il s'agisse d'héritages de l'ancien système bénéficial, du revenu des cartelles, du statut juridique des fondations pieuses ou de la gestion des fabriques paroissiales, témoigne de la capacité de résistance d'une institution ecclésiastique confortée par la mobilisation de la plus grande partie du Barreau savoyard pour la défense argumentée des « droits acquis ». (Philippe Boutry)