2019
Mélanie Lucciano, « La métaphore de la cire : réutilisation d’un motif platonicien (Théétète, 191-195) à Rome », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.j7h3lh
Dans le Théétète, la métaphore de la cire illustre la coïncidence fautive entre ce que l’on perçoit et ce dont on se souvient ; l’empreinte laissée par le sceau, à la fois support et contenu du souvenir, exprime la réalité de l’objet perçu ou le décalage par rapport à cette réalité. À Rome, l’image garde une dimension épistémologique, liée à l’empirisme et au caractère cognitif de l’analyse des perceptions ; elle se retrouve ainsi chez Cicéron, qui infléchit néanmoins sa perspective philosophique pour en faire un argument anti-stoïcien, dénonçant les limites de nos sens pour établir un critère de distinction entre différentes perceptions. Mais la métaphore apparaît surtout dans les artes memoriae, comme analyse du processus mémoriel. S’effectue dans la Rhétorique à Hérennius ou chez Cicéron un déplacement par rapport au dialogue platonicien : ce qui importe n’est plus la trace imprimée dans la cire mais bien les loci, le support sur lequel l’orateur grave ses imagines, son discours. Les loci s’impriment dans l’âme, à la différence des imagines, appelées à être effacées et remplacées par d’autres mots à chaque nouvel apprentissage de discours. Quintilien tire les conséquences de ce renversement : si l’on fait appel à la mémoire associative pour se remémorer le couple loci / imagines, en revanche l’ordo des loci, lui, n’est gravé nulle part et suppose une seconde opération de mémorisation, un nouveau filtre entre l’objet du souvenir et la mémoire de l’orateur.