« Elle révèle tout ce qui est fait pour l’ombre et le mystère. » La comédienne dans le second 18e siècle, ou la construction d’une figure hors normes

Résumé Fr En Es

Des femmes aguicheuses, séduisant les spectateurs les plus honnêtes et multipliant les amants : les représentations qui entourent les comédiennes françaises au 18e siècle insistent sur leur transgression des normes de la féminité pudique et modérée. L’article interroge les logiques de production de cette figure « hors normes » au prisme des rapports de force professionnels, et propose d’expliquer le maintien de ces stéréotypes par la dynamique de construction culturelle de la différence des sexes. Pour les auteurs de traités théâtraux, la comédienne constitue un vecteur efficace pour défendre l’ordre social genré qui s’affermit au 18e siècle. En revanche, dans un espace de publication distinct, celui des critiques dramatiques dans la presse, d’autres injonctions sont formulées comme celles de la beauté ou de la jeunesse des comédiennes. Figures de l’hors normes, les actrices deviennent la cible de prescriptions genrées, surtout à partir de la Révolution. Dans les deux cas, les discours sur les comédiennes justifient la normalisation des identités sociales de genre, un processus qui doit être mis en relation avec les enjeux de légitimation d’autorités masculines.

Eighteeenth-century actresses in the eighteenth-century were often represented as flirtatious women who tempted the most honest spectators and multiplied lovers; this emphasized their transgression of the standard norm of modest and moderate womanhood. The article raises the question of the emergence of such “non- standard” figures through the lens of professional power relations, and shows how stereotypes are nurtured in effect by the cultural construction dynamics of gender differences. Authors of theatrical treatises found in actresses an effective vehicle to defend the gendered social order that was being consolidated in the 18th century. However, in a separate publication space, that of drama criticism in the press, other injunctions were formulated, such as those concerning the beauty or youthfulness of female actors. As embodiments of the non-standard, actresses became the target of gendered prescriptions, especially after the Revolution. In both cases, discourses on actresses maintain the normalisation of social gender identities, a process that went hand in hand with the legitimization of male authority.

Unas mujeres atractivas, que seducen a los espectadores más honestos y multiplican a los amantes: las representaciones en torno a las comediantes francesas del siglo XVIII insisten en su transgresión de las normas de la feminidad pudorosa y moderada. El artículo examina la lógica de la producción de esta figura «no estándar» a través del prisma de las relaciones de poder profesionales, y propone explicar el mantenimiento de estos estereotipos mediante la dinámica de la construcción cultural de la diferencia de género. Para los autores de los tratados teatrales, la actriz era un vehículo eficaz para defender el orden social de género que se estaba consolidando en el siglo  xviii. Por otra parte, en otro espacio de publicación, el de los críticos dramáticos en la prensa, se formulaban otros mandatos, como los relativos a la belleza o juventud de las actrices. Las actrices, como figuras de lo no-estándar, se convirtieron en el blanco de las prescripciones de género, especialmente después de la Revolución. En ambos casos, los discursos sobre las farsantas justifican la normalización de las identidades sociales de género, un proceso que debe verse en relación con la legitimación de las autoridades masculinas.