Les ordres militaires entre clercs et laïcs (XIIe siècle)

Résumé Fr

Comment la nouvelle expérience religieuse représentée par les templiers s’insère-t-elle dans une société chrétienne transformée en profondeur par la réforme grégorienne ? Nous verrons que les contemporains se sont interrogés sur la nature, à bien des égards hybride, des templiers puis des autres ordres militaires qui les imitèrent. Mais cette nature continue aujourd’hui de poser question aux historiens qui se sont répandus en débats pour essayer de définir cette forme inclassable de vie religieuse . Leurs membres étaient-ils clercs ou laïcs ? S’agissait-il de religieux ou pas ? À trop chercher à classer, on verse facilement dans l’aporie dans le sens où, au Moyen Âge même, ces catégories furent longtemps labiles.Il est donc plus intéressant de partir des doutes ou des points de vue exprimés par les observateurs contemporains. La fondation de l’ordre du Temple, en effet, a représenté une « révolution » dans l’histoire de l’Église, pour reprendre la formule de Simonetta Cerrini. Elle a, en tout cas, été perçue comme une nouveauté par les témoins du temps. De fait, nous évoquerons essentiellement l’expérience templière, puisque les hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem débutèrent comme un ordre charitable assez classique, avant de se militariser sur le modèle du Temple. Par la suite, la création d’autres ordres militaires dans le sillage de ces premières expériences ne nécessita pas de discours de légitimation particulier, avant que d’autres débats n’interviennent dans des contextes qui ne nous occuperons pas ici, comme au moment du concile général de Lyon en 1274… Ce qui nous intéresse, en réfléchissant sur les rapports entre Église, pouvoir et société chrétienne, c’est que le propos de vie des premières générations de templiers a interrogé les milieux monastiques et canoniaux. Or, les débats suscités par ce « laboratoire templier » rejoignent pleinement des interrogations plus générales sur les différentes formes de vie religieuse et sur leur place respective dans la société. Il sera possible, dès lors, d’envisager de quelle manière les ordres militaires se sont inscrits dans le grand mouvement de réforme impulsé par la papauté mais nécessairement relayé par les autorités locales.