The daily and shamanic dimensions of the relationship with the subarctic land for the semi-nomadic Athapaskan speaking Nabesna people on the Alaska-Yukon border, as taught by the women, in 1970

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20 janvier 2022

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Marie-Françoise Guédon, « The daily and shamanic dimensions of the relationship with the subarctic land for the semi-nomadic Athapaskan speaking Nabesna people on the Alaska-Yukon border, as taught by the women, in 1970 », Publications scientifiques du Muséum national d'histoire naturelle, ID : 10670/1.k1hlnl


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Résumé En Fr

While most descriptions of nomadic societies begin with a male perspective to which is added later the role of women, the present text enters the Nabesna semi- nomadic way of life as defined by the women, with the men involved as primary actors in hunting but not necessarily as primary producers of the cultured environment. The Nabesna women conjugate their role as creators and keepers of the human environment, including dwellings, clothing and food preservation with their participation in hunting, food gathering, and other pursuits that take them away from the camp or the village in the forest, often by themselves. These contacts mean they have to develop their relationship with the non-human environment not only as predators but also as full-fledged participants in the shamanic web of communication and influence.

Les dimensions quotidiennes et chamaniques des relations des Nabesnas, peuple athapaskan semi-nomade, avec le territoire subarctique, tel qu’enseignées par les femmes en 1970Alors que la plupart des descriptions de peuples chasseurs nomades débutent selon une perspective masculine à laquelle on ajoute le point de vue des femmes, les circonstances de mon travail sur le terrain m’ont amenée à entrer dans le contexte culturel des Nabesnas tel que perçu et vécu par les femmes. Dans cette société de chasseurs subarctiques, les femmes passent encore autant de temps que les hommes en dehors et loin du village ou du campement ? elles chassent, pêchent, et récoltent une grande partie des ressources alimentaires et autres, souvent en groupes, parfois seules. Mais autrefois, la diversité de leurs tâches et l’ampleur de leur participation aux déplacements des camps de chasse leurs donnaient un accès privilégié d’abord au territoire, ensuite au maintien et à la création de l’environnement humain, c’est-à-dire culturel, enfin aux puissances animales ou invisibles qui tissaient la trame chamanique de l’univers.Les Nabesnat’ani, ou Nabesnas, une dizaine de bandes ou groupes de familles, de deux cents à cinq cents personnes, selon les périodes, occupent les plateaux arrosés par les rivières Tanana et Nabesna au nord des monts Mentasta, Nutzotin et Chisana juste à l’ouest de la frontière du Yukon et de l’Alaska. Ils étaient encore, il y a moins d’un siècle, parmi les plus nomades des peuples athapaskans septentrionaux, en partie parce qu’ils n’avaient pas accès aux saumons comme les peuples des fleuves Yukon et Rivière du Cuivre. Ils dépendaient des migrations des caribous au printemps et à l’automne, et de la chasse au gros et au petit gibier (orignal et mouflon, ours noir et grizzly, castor, porc-épic et rat musqués ainsi que canards, oies et perdrix, entre autres) et de la pêche saisonnière, toutes ressources qui variaient d’un mois à l’autre et d’un endroit à l’autre. En dehors des retrouvailles des familles, durant les migrations des caribous que l’on piégeait dans des barrières en broussailles longues de plusieurs kilomètres, et sur les sites des grands campements près des barrages de pêche construits sur les goulets de certaines rivières, deux aménagements nécessitant la coopération d’une douzaines de familles étendues, (un maximum de 100 à 120 personnes) la plupart des bandes passaient le reste de l’années divisées en petits groupes de quelques familles nucléaires, parfois de quelques individus, qui se dispersaient dans le territoire et ne se retrouvaient que pour les fêtes du solstice d’hiver et pour les fêtes des morts ou « potlatch ». Il fallait faire des provisions pour l’hiver ; les deux derniers mois avant le printemps comptaient toujours parmi les plus durs pour les animaux comme pour les humains.Le territoire n’avait ni frontière ni propriétaire exclusif. Mais chacun savait que la bande, ou le groupe de familles qui occupait le territoire avait un accès prioritaire à ses ressources. La composition des groupes variait d’une saison à l’autre. En dehors des liens parentaux, consanguins et affins, un système de clans matrilinéaires non localisés regroupés en moitiés exogames, structurait mariages et composition des groupes de travail et permettait d’étendre des liens quasi parentaux à tous les peuples voisins.Durant mes visites, entre 1968 et 1972 les quelque 450 Nabesnas occupaient trois villages permanents: Tanacross, sur la rivière Tanana, Northways, près de la rivière Nabesna, et Tetlin, plus isolé, dont les 120 habitants dépendaient encore presque entièrement de la pêche, de la chasse et de la cueillette, et maintenaient avec l’environnement des relations forcément sédentaires mais encore modulées par les valeurs, les techniques et autres connaissances léguées par leurs parents et grands-parents.Plusieurs impératifs structuraient autrefois la vie de la communauté, et donc des femmes ? d’abord il fallait s’assurer d’un abri (tente ou autre habitation) c’est à dire d’un camp, avec un feu, qui permettait la délimitation d’un environnement humain protégé, en particulier durant la nuit, contre les animaux, les fantômes et autres puissances invisibles; ensuite, le climat imposait un habillement chaud et efficace et donc une technologie du cuir ; surtout, pour assurer l’accès à la nourriture, il fallait déplacer le campement, de semaine en semaine sinon de jours en jours; mais on devait aussi prévoir les mois maigres, surtout ceux de la fin de l’hiver avec ses menaces de famine. Les femmes devaient d’abord composer avec ces impératifs, alors que les hommes se concentraient sur la chasse; ces impératifs dictaient les orientations de la technologie ? éléments légers et portables, ou fabriqués sur place pour un usage temporaire, comme les nasses à pêche en osier ou les appentis en branchage qui servaient de tente, ou la multitude des trappes et collets pour capturer le gibier. L’habillement, y compris la literie, dépendait du travail des peaux et des fourrures, ce qui nécessitait la fabrication des outils, couteaux, grattoirs, alènes etc. en pierre ou en os. Par ailleurs la préservation de la nourriture, des peaux et des autres ressources à conservation limitée, demandait des jours de préparation, filetage, découpage, séchage et fumage. Et c’est aux femmes qu’incombait le principal travail de boucherie. La plupart des activités féminines nécessitaient des excursions plus ou moins longues à l’extérieur du campement, tout près pour le bois de chauffage, la surveillance des nasses à poissons ou des collets pour les lièvres, mais jusqu’à dix ou quinze kilomètres et plus pour la chasse au gros gibier ou la relève des lignes de trappe (rats musqués). Les jeunes partaient dans le bois en groupe. Les femmes plus âgées voyageaient souvent seules ou avec une amie, un chien favori, ou l’un de leurs petits-enfants. En plus de la nourriture, il fallait du bois pour le feu, de l’écorce de bouleau (pour les paniers, les caches creusées dans le sol et les cabanes), des racines d’épinette, des branches d’osier, des galets pour faire bouillir la soupe, de la mousse pour calfeutrer les habitations, des sphaignes pour les couches, des piquants de porc-épic pour les broderies, et les plantes pour les teindre, entre autres matières utiles.Aujourd’hui encore, qu’elle se déplace avec ou sans les hommes, une femme nabesna compétente se doit de connaître le territoire, ses sentiers et ses ruisseaux, de façon intime et précise. Mais il ne s’agit pas pour elle d’un lieu sauvage, encore moins d’un lieu domestiqué. Le paysage est la face visible d’un univers mental et onirique puissant et dangereux où se retrouvent et communiquent les uns avec les autres les animaux, petits et grands, les puissances visibles et invisibles, tout ce qui vit et donc tout ce qui pense et rêve, et jusqu’aux traces laissées par les pouvoirs primordiaux à l’origine du monde (dont les insectes). Et cet univers est à l’écoute. On rencontre les animaux individuellement, face à face. Les femmes enseignent à leurs enfants — et aux ethnographes — à surveiller leurs pensées, leurs émotions, leurs rêves, à l’affut de toute impression positive ou négative qui émanerait de l’univers animal, depuis la forêt qui se fait soudain silencieuse jusqu’à un souvenir fugitif d’un membre de la famille, et surtout les impressions corporelles qui servent de présage pour la chasse et autres événements.Les rituels féminins (puberté, menstruations, grossesse et naissance), les séances chamaniques (ou rituels du rêve), les rituels de chasse, et même les rituels qui accompagnent la guerre, composent un seul grand complexe chamanique qui se partage les mêmes gestes, les mêmes positions corporelles, les mêmes interdictions rituelles, les mêmes objets et surtout le même vocabulaire. Ce complexe gère les relations avec le non-humain. On entre dans ce monde lorsqu’on part en forêt ou en montagne, lorsqu’on rêve, lorsqu’on tombe malade, et lorsqu’on est en contact avec la mort ou avec les nouveaux-nés, et pour les femmes lors de la puberté et des menstruations (périodes de pouvoir, et non pas d’impureté). Les pouvoirs, toujours individuels, acquis lors des rencontres oniriques, qu’il s’agisse de dons de guérisseurs, de chance à la chasse pour soi ou pour autrui, ou de protection contre les êtres malintentionnés, s’adressent aux femmes comme aux hommes. Mais alors que les hommes sont plus prompts à s’engager dans des démonstrations communautaires et parfois spectaculaires, et à entrer en compétition avec les autres «« rêveurs », les femmes ont tendance à dissimuler ou minimiser leurs dons pour n’attirer ni la jalousie de «« rêveurs » trop ambitieux, ni l’attention des puissances animales.Le contact quotidien avec la forêt et ses habitants n’est ni innocent ni inoffensif. Il incombe aux humains et en particuliers aux femmes, non seulement de maintenir un certain modus vivendi avec les animaux et les plantes dont ils dépendent pour survivre, mais aussi de protéger et créer un espace humain restreint mais qui affirme la spécificité des êtres humains. C’est pourquoi la moralité porte autant sur le respect mutuel entre les personnes humaines ou animales que sur le soin avec lequel on va broder et perler les mocassins et les manteaux, nouer un filet de pêche avec des mailles régulières, ou composer un chant de bienvenue. Les femmes nabesnas avec qui j’ai travaillé considèrent comme un devoir moral la promotion des valeurs, connaissances et capacités humaines, selon le mode nabesna de faire les choses, qu’il s’agisse de culture matérielle ou de culture intellectuelle. Elles offrent comme modèles ces femmes qui par accident ou à la suite d’une attaque, se retrouvent seules dans les bois, sans outils ni matériel, mais se trouvent capable de recréer par elles-mêmes tout ce dont elles ont besoin, y compris des armes efficaces, des vêtements brodés, des réserves de nourriture, un campement maintenu avec élégance et qualité. Les animaux y trouvent leur compte car ils apprécient le travail bien fait et les décorations tout autant que les chants et les danses de la gent humaine.Loin d’opposer un lieu domestique ou privé (village, campement ou habitation) à un lieu sauvage ou étranger, les Nabesnas, y compris les femmes, parcourent le dehors comme leur chez-soi, un chez-soi dangereux, immense mais qui a le mérite pour les hommes et plus encore pour les femmes d’être ouvert sur des relations interpersonnelles et affectives avec certains de ses habitants. Un impératif moral plus explicite pour les femmes que pour les hommes demeure encore aujourd’hui, plus de cinquante ans après la sédentarisation des bandes nabesnas autour des écoles anglaises et des églises chrétiennes, celui de maintenir un espace humain, déné, dans l’immensité d’un monde dont les humains sont loin d’être maîtres.

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