Dynamiques émotionnelles dans la négociation policière de crise

Résumé Fr En

L’expression et la gestion des émotions dans une négociation policière de crise sont souvent évoquées mais rarement étudiées de façon scientifique. Dans le cadre d’une collaboration entre la recherche universitaire et des forces d’intervention de police (en France et en Suisse), nous avons retranscrit 14 négociations réelles. Nous nous inspirons de la façon dont Rogan et Hammer (1995) découpaient les séquences et calculaient un score d’affect dans trois cas réels d’incidents. Sur un échantillon plus important, nous mobilisons des méthodes issues de l’analyse statistique et informatique des donnés textuelles et de l’analyse automatique des contenus. Les premiers résultats conduisent à renoncer aux indexations émotionnelles automatiques classiques. En effet, le contexte de violence et de perte des normes de conversation perturbe les indexations. On propose donc une nouvelle indexation en contexte. Les analyses statistiques exploratoires permettent alors de visualiser la dynamique émotionnelle des échanges entre instigateurs et négociateurs, ainsi que son évolution dans les phases des crises. Dans un premier temps, le négociateur identifie la nature de l’expression émotionnelle (structurelle vs conjoncturelle). Dans une deuxième étape, l’instigateur exprime des émotions négatives d’approche auxquelles le négociateur répond par des expressions positives d’évitement. Dans un troisième temps, l’instigateur peut évoluer vers une émotion négative d’évitement auxquelles le négociateur répond par des expressions positives d’approche. Enfin, le dernier temps sera celui de la neutralisation émotionnelle de la part de l’instigateur, qui permet au négociateur de conquérir l’espace lexical et de l’amener vers la résolution pacifique de la crise. On décrit les conséquences théoriques et méthodologiques de ces résultats ainsi que les implications pour la formation et le suivi des professionnels de la négociation de crise.

The expression and management of emotions in a police crisis negotiation are often discussed but rarely studied scientifically. Collaboration between university research and police intervention forces (in France and Switzerland) allowed us to transcribe 14 real negotiations. We based our methods on the way Rogan and Hammer (1995) cut out the sequences and calculated an affect score in three real cases of incidents. For a larger sample, we use methods derived from statistical and computer analysis of textual data and automatic content analysis. The first results lead us to renounce using traditional automatic emotional indexing. Indeed, the context of violence and the loss of conversation norms disrupts indexing. We therefore suggest a new context-based indexing. Exploratory statistical analyses then make it possible to visualize the emotional dynamic of the exchanges between perpetrators and negotiators, as well as the evolution of said dynamic in the phases of crisis. First, the negotiator identifies the nature of the emotional expression (structural vs. contextual). In a second phase, the perpetrator expresses negative-approach emotions to which the negotiator responds with positive-avoidance expressions. In a third stage, the perpetrator can evolve towards a negative-avoidance emotion to which the negotiator responds with positive-approach expressions. Finally, the last stage will be that of emotional neutralization initiated by the perpetrator, which allows the negotiator to conquer the lexical space and lead him towards the peaceful resolution of the crisis. The theoretical and methodological consequences of these results are described, as well as the implications for the training of professionals in crisis negotiation.