Parents au tribunal. : La coparentalité façonnée par l’institution judiciaire Fr En

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Après comme avant les ruptures conjugales, la prise en charge quotidienne des enfants échoit principalement aux mères. Les séparations accroissent les inégalités économiques entre pères et mères, au prix des conditions de vie des enfants, et seule une partie de l’espace social recourt à la résidence alternée et aux formes les plus légitimes de prise en charge des enfants après une séparation. Comment l’intervention de l’institution judiciaire participe-t-elle à ces inégalités ? C’est à cette question que ce rapport contribue à répondre, à partir de la mobilisation d’une enquête ethnographique de grande ampleur dans plusieurs tribunaux de première instance et d’appel et auprès des professionnel·les du droit, ainsi que de l’exploitation statistiques de données judiciaires originales.Inégalités de classes et de genre s’articulent pour déterminer des conditions d’intervention très différentes de l’institution judiciaire dans la définition de la (co)parentalité après les séparations. Certain·es sont accompagné·es par des professionnel·les du droit en qui ils et elles ont confiance, et s’orientent vers des procédures relativement rapides. D’autres, au premier rang desquelles les mères de classes populaires, peinent à trouver et à rémunérer un·e avocat·e, et se trouvent pris·es dans des procédures longues aux résultats plus incertains. À ces inégalités s’ajoutent des inégalités territoriales, liées au fonctionnement différencié des tribunaux, qui renforcent souvent les inégalités de classe, ainsi que des difficultés spécifiques, par exemple pour les parents étrangers ou LGBTQI+, qui rendent parfois l’accès à la justice quasi-impossible. Ces inégalités s’articulent à une plus ou moins grande proximité des justiciables à la norme de coparentalité promue par les avocat·es comme par les juges. Les décisions prises par les juges restent cependant étroitement liées aux demandes des justiciables, elles-mêmes largement déterminées par leurs conditions matérielles d’existence. Ainsi, la mise en œuvre de la norme de la coparentalité par les professionnel·les du droit et l’institution judiciaire, bien loin de bouleverser les rapports de domination qui ont historiquement marqué les modes d’exercice de la parentalité, participe à leur renouvellement au-delà des transformations de la conjugalité. L’encouragement à la « coparentalité » est porteur d’un régime d’obligation différencié selon le genre : l’obligation de prise en charge quotidienne reste celle des mères, s’y ajoutant celle de faire une place aux pères lorsque ceux-ci le demandent. La « coparentalité » ne prescrit pas une norme unique, mais elle ouvre, pour les familles de classe moyenne et supérieure plus que pour celles de classe populaire, l’espace des possibles parentaux.

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