2013
Cairn
Patrick Awondo et al., « Une Afrique homophobe ? : Sur quelques trajectoires de politisation de l'homosexualité : Cameroun, Ouganda, Sénégal et Afrique du Sud », Raisons politiques, ID : 10670/1.ka2enu
La récente émergence de l'homosexualité comme enjeu central dans le débat public de nombreuses régions d'Afrique, a alimenté l'image stéréotypée d'une Afrique homophobe, souvent opposée à un Occident tolérant (ou dépravé). Il est frappant que cette image de l'Afrique homophobe soit à la fois promue par les traditionnalistes qui décrivent l'homosexualité comme une intrusion occidentale, et par les médias occidentaux qui se focalisent sur les déclarations homophobes des leaders politiques et religieux africains. Cependant, dans les deux cas, est négligée l'existence de débats internes et de désaccords parmi les Africains sur le thème de l'homosexualité. Dans cet article, nous cherchons à proposer un contrepoint à cette image de l'Afrique homophobe en développant une analyse plus nuancée basée sur une comparaison de différentes trajectoires de l'émergence de l'homosexualité comme enjeu public dans quatre pays (le Sénégal, le Cameroun, l'Ouganda et l'Afrique du Sud). La comparaison permet de souligner des variations considérables dans les façons dont l'enjeu a été politisé. Il y a par exemple une grande différence entre l'image de l'homosexuel comme un « Grand » (un homme riche et puissant) qui impose la pénétration anale comme forme suprême d'assujettissement (comme au Cameroun ou au Gabon où l'homosexualité est associée à la sorcellerie et d'autres forces occultes de sorte que ce type d'« homosexuel » devient un figure extrême de ce qu'Achille Mbembé a appelé la « phallocratie ») d'une part, et les personnes souvent moins privilégiées qui sont les victimes des persécutions contre l'homosexualité dans d'autres contextes. Une réflexion plus fine sur les variations de ce qui est trop facilement et de façon inadéquate appelée « homophobie » peut ainsi servir à mettre en lien les pressions internationales en faveur de la décriminalisation et de la protection avec les contextes locaux. Le travail avec les activistes locaux reste crucial quant aux efforts consacrés à contrer l'homophobie en Afrique.