20 juin 1996
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Dominique Tournès, « L'intégration approchée des équations différentielles ordinaires (1671-1914) », HAL-SHS : histoire, philosophie et sociologie des sciences et des techniques, ID : 10670/1.kak4v0
Depuis trois siècles, la théorie des équations différentielles occupe une place centrale au sein des mathématiques. En effet, les applications (mécanique céleste, balistique, physique mathématique…) font constamment surgir des problèmes conduisant à des équations différentielles et, dans une large mesure, c’est la volonté d’intégrer ces équations qui entraîne le développement des méthodes de l’Analyse. Pourtant, les historiens ont relativement peu étudié la théorie des équations différentielles et, jusqu’ici, ils se sont surtout consacrés à ses aspects algébrique et géométrique. De notre côté, nous avons choisi de nous centrer sur le cadre numérique, en nous intéressant à l’histoire de l’analyse numérique des équations différentielles ordinaires de 1671 à 1914. L’expression “analyse numérique” doit être prise ici en son sens le plus noble : nous y voyons le point de rencontre entre l’analyse mathématique et le calcul numérique. Cette dualité est bien mise en évidence par l’expression “intégration approchée”, qui a l’avantage de rappeler que tout processus d’approximation présente à la fois un caractère analytique et un caractère numérique. Par ailleurs, pourquoi la période de référence 1671-1914 ? D’un côté, 1671, c’est l’année où Newton compose son traité sur les fluxions et les suites infinies, texte dans lequel on trouve la première tentative systématique pour exprimer la solution d’une équation différentielle quelconque sous forme de série infinie. De l’autre côté, 1914, c’est le terme traditionnel que les historiens fixent au 19e siècle mais c’est aussi le moment précis où les recherches balistiques engendrées par le premier – puis le second – conflit mondial font basculer l’analyse numérique dans l’époque moderne, en provoquant l’automatisation des calculs et l’apparition des calculateurs électroniques. De façon générale, nous montrons que les principales méthodes d’approximation que l’on peut distinguer (méthode des séries, méthode des différences finies à pas séparés, méthode des approximations successives, méthode des différences finies à pas liés et méthode graphique) naissent et se développent au sein des mathématiques appliquées, avec un rôle prépondérant joué par la mécanique céleste. L’histoire de chacune de ces méthodes est reconstituée en détail, grâce à un retour systématique aux textes originaux et à l’étude de nombreux exemples de calculs effectifs.