2004
Cairn
Claude Debru, « Le possible, le réel et les sciences de la vie », Revue de métaphysique et de morale, ID : 10670/1.keygnd
Le concept du possible a pris récemment dans les sciences de la vie une place plus importante, en raison de réflexions nouvelles sur l’évolution biologique ainsi que du développement très important des biotechnologies. On souhaite ici explorer l’idée que les choses contingentes, celles qui pourraient être un peu différentes, sont modifiables. La contingence de l’évolution biologique a souvent été notée, et définie en des sens notoirement différents. Certains biologistes ont fait usage du conditionnel contrefactuel, en définissant la contingence par l’idée que le monde existant aurait pu ne pas être. Si la contingence est définie comme l’opposé contradictoire du nécessaire et donc vue d’une manière unilatérale comme possibilité de ne pas être plutôt que comme possibilité d’être ou de ne pas être, il devient inévitable que les critiques des philosophies nécessitaristes (en biologie comme ailleurs) insistent sur des évolutions qui ne se sont pas produites, et fassent usage du conditionnel contrefactuel dans leur démonstration de la contingence. Le risque est alors de substituer à une métaphysique nécessitariste une métaphysique opposée. D’autres explications du cours réel de l’évolution biologique (et en particulier de ses grandes « décimations ») sont pourtant scientifiquement possibles. La contingence peut être également définie, d’une manière plus réaliste, comme variation, à savoir qu’il n’y a aucune impossibilité à ce que les choses existantes soient un peu différentes. On souhaite à cet égard donner des illustrations biologiques de la proximité, souvent notée par les philosophes, entre possible et réel. Le « bricolage biotechnologique » se fonde sur l’utilisation de procédés et d’outils directement issus de l’évolution biologique. Il répète certaines des opérations du « bricolage évolutif ». Les biotechnologies les plus récentes peuvent être décrites comme une « évolution dirigée ». Les possibilités de variations sur les thèmes fondamentaux de l’évolution biologique sont encore mal évaluées, et sont sans doute beaucoup plus grandes qu’il n’avait été imaginé, ce qui permettra vraisemblablement de contourner certaines difficultés rencontrées dans la mise en œuvre, en particulier, des biotechnologies médicales.