Le changement climatique remet-il en cause l’identité des vins et des vignobles dans le Rhin Supérieur (France, Allemagne, Suisse)?

Résumé Fr

Le changement climatique représente un réel défi pour l’identité des vignobles et des vins. Avec l’augmentation des températures, les vins perdent en acidité et gagnent en sucre et en alcool et les cépages traditionnels des zones d’appellation ne sont plus en adéquation avec le climat (Aigrain et al., 2016). Ces problématiques sont importantes dans le Rhin Supérieur, où les vignobles produisent surtout des vins blancs secs. Or, le projet Interreg Clim’Ability a montré que les effets du changement climatique pourraient y être particulièrement forts, et l’un des principaux cépages (en France comme en Allemagne) – le Riesling – aime la fraîcheur et souffre de la sécheresse. Néanmoins, si cet espace est géographiquement homogène (Fossé Rhénan), il est partagé entre trois pays et cela se traduit par de profondes différences en termes de pratiques agricoles, de paysages, de cultures et de réglementations viticoles (irrigation, cépages autorisés, orientation des parcelles, structure des exploitations…). D’où une importante variété des stratégies d’adaptation aux conséquences du changement climatique. Même si l’objectif est d’abord de préserver l’identité des vins, des nouvelles pratiques peuvent modifier notablement les paysages viticoles, à l’image de l’enherbement, du terrassement, de la plantation de haies, voire de l’agroforesterie, ou encore la relocalisation des vignes en altitude ou sur les versants nord. Pourra-t-on conserver durablement l’identité des vins et à quelle échelle s’exprime cette identité, notamment dans le contexte transfrontalier ? Et comment les viticulteurs vont-ils devoir adapter leurs pratiques en conséquence ? Cette adaptation n’est pas uniquement conditionnée par les facteurs climatiques mais dépend également de l’évolution des attentes sociétales et des goûts de consommateurs. Cela peut constituer de véritables opportunités pour produire de nouveaux types de vins et enrichir la culture viticole locale, à condition que les systèmes spatio-légaux propres à la profession et aux territoires s’y prêtent, sachant que les différences sont très significatives de part et d’autre de frontières du Fossé Rhénan. Or, des oppositions apparaissent déjà coté français entre puristes attachés aux méthodes traditionnelles garantes de l’identité régionale du produit, et réformateurs qui souhaitent une modification des cahiers des charges perçus comme passéistes, par exemple pour autoriser, comme dans les pays voisins, l’irrigation ou l’introduction de nouveaux cépages pour lesquels quelques expérimentations ont révélé un potentiel certain. On le voit, le changement climatique pourrait impliquer des changements dans l’identité des vins ou des paysages viticoles, et les questions que cela pose sont loin d’être simples. Cette communication présentera certaines réflexions, issues d’entretiens semi-directifs réalisés auprès de viticulteurs dans le cadre du projet Interreg Clim’Ability Design, et portant sur une approche comparative des stratégies d’adaptation au changement climatique, visant à confronter la résilience des différents systèmes spatio-légaux de part et d’autres des frontières du Fossé Rhénan. Et dans ce contexte très hermétique, où les vins peinent à être connus et consommés au-delà des frontières nationales, à quelle échelle se construit et se construira l’identité des vins ? Ce qui pose la question, dans le contexte des contraintes mais aussi des opportunités liées au changement climatique, de l’existence de pratiques collectives transfrontalières, d’échanges et de partage des savoirs à l’échelle trinationale du Fossé Rhénan.