8 février 2019
info:eu-repo/semantics/OpenAccess
Guoshuai Qin, « La vie des patriarches Quanzhen : histoire d’une construction hagiographique, 13e-19e siècles », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.ks9sfr
Aux époques des dynasties Jin (1115-1234) et Yuan (1279-1368) émergea le courant Quanzhen, qui deviendra par la suite l’une des deux principales branches du taoïsme. À ses débuts, il suscita un vaste intérêt de la part de l’ensemble de la société, que cela soit chez la noblesse, chez les lettrés et les notables jusqu’au sein du petit peuple. De manière implicite ou explicite, l’influence du Quanzhen fut perceptible dans l’ensemble des pratiques sociales. À l’aide des documents de l’époque et en les recoupant avec les hagiographies d’immortels dans les sources Quanzhen, nous pouvons esquisser les contours préliminaires de la genèse de l’ordre, dans le contexte des bouleversements sociaux-politiques des périodes des Jin et Yuan. Parmi les matériaux essentiels, et dont l’étude reste pourtant à ce jourtrès succincte, nous portons notre attention sur les légendes relatant les transformations des Sept Véritables (Qizhen). Ces légendes font à la fois partie du domaine religieux et du domaine littéraire. D’après l’abondance des hagiographies des immortels telles qu’elles sont décrites dans le Jinlianzhengzongji ou le Qizhenxianzhuan, les récits des transformations des Sept disciples de Wang Chongyang furent au temps des Jin et des Yuan des documents essentiels et un symbole fort de l’identité du taoïsme Quanzhen. Pour les moines et moniales Quanzhen, les hauts faits relatés dans les hagiographies des Sept Véritables devinrent des modèles à suivre. Puis, à partir de la fin de la dynastie Ming et plus particulièrement à la fin des Qing et pendant la République de Chine, les légendes des transformations des Sept Véritables ont été, d’une part, répandues à l’intérieur du courant Quanzhen et, d’autre part, réécrites et propagées par le concours de moralisateurs, de romanciers, d’adeptes des religions non-officielles, mais également par des moines Quanzhen ainsi que des disciples laïcs de l’ordre. Nous avons pu recenser au moins six versions différentes sur les légendes des transformations des Sept Véritables dans les ouvrages suivants : Qizhenzushiliexianzhuan, Qizhentianxianbaozhuan, Qizhenyinguozhuan, Jinlianxianshi, Chongyang qizhenyanyizhuan et Qizhenbaojuan. Ces six versions de l’hagiographie Quanzhen ont été reprises, copiées et publiées en plus de quarante-quatre éditions sous différents titres. En bref, selon les questions clefs issues des trois couches formant l’identité Quanzhen citées ci-dessus, nous essayons de comprendre comment, face à l’environnement religieux particulier aux dynasties Ming et Qing, les moines taoïstes ont d’une part été actifs sur une partie du territoire et ont pris part aux bouleversements historiques de ces époques en se servant de récits hagiographiques prônant la doctrine Quanzhen ; et d’autre part, parce qu’il y a eu des réorganisations profondes dans les récits sur les transformations des Sept Véritables qui étaient contraires à la doctrine Quanzhen et dont certains passages ont suscité des conflits. Le courant Quanzhen riposta, critiqua et réécrivit des ouvrages de façon à corriger les commentaires jugés contraires à la doctrine Quanzhen. De telles actions démontrent que les religieux Quanzhen avaient, des Ming à la République de Chine, une vive conscience de leur identité religieuse spécifique. A l’heure actuelle certains spécialistes des religions non-officielles considèrent que distinguer trop nettement le Quanzhen des religions non-officiellesen opposant une pensée orthodoxe et une pensée sectaire n’est qu’une invention et une interprétation scientifique peu pertinente par rapport à la réalité historique. Cependant, notre analyse portant sur un total de six versions et d’au moins quarante-quatre éditions des hagiographies d’immortels Quanzhen indique que les taoïstes Quanzhen n’étaient pas indifférents aux imbrications fréquentes entre leur doctrine et les religions non-officielles, tout en portant un regard lucide sur leur identité religieuse à travers des actions visant à la protéger.