Temps visible et espace sensible Proust et Bergson dans le prisme du « chronotope » de Mikhaïl Bakhtine

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7 avril 2021

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Ioulia Podoroga, « Temps visible et espace sensible Proust et Bergson dans le prisme du « chronotope » de Mikhaïl Bakhtine », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.kua6q4


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Pour les spécialistes de Proust, aussi bien que pour ceux de Bergson, la confrontation entre ces deux auteurs peut paraître incontournable dans la mesure où l'on souhaiterait, d'une part, clarifier le rôle que joue la pensée philosophique du temps dans la démarche proustienne, et d'autre part, concrétiser et exemplifier les aspects les plus paradoxaux de la durée bergsonienne en les mettant à l'épreuve de l'oeuvre de fiction. Si les raisons rendant légitime l'analyse conjointe de ces deux pensées ne manquent pas, je me propose de partir de ce qui semble d'emblée un constat opposé, selon lequel l'expérience du temps chez Proust échappe en définitive à la grille de lecture imposée par la conception bergsonienne de la durée. Comme le fait remarquer Georges Poulet dans L'Espace proustien : « Si la pensée de Bergson dénonce et rejette la métamorphose du temps en espace, Proust non seulement s'en accommode mais s'y installe, la pousse à l'extrême et en fait finalement un des principes de son art » 1. Poulet, qui connaît par ailleurs très bien les idées de Bergson 2 , ne conduit pas plus loin cette comparaison, si ce n'est pour conclure, à la fin de son étude, que, décidément, « le temps proustien […] est d'une nature telle qu'il est directement opposé au temps bergsonien » 3. Autrement dit, au lieu de combattre l'espace partout où il semble entraver le libre cours de la durée, l'auteur de la Recherche procède inversement et aboutit à la plus complète spatialisation du temps. Ayant ainsi posé cette antithèse, je m'intéresserai, dans les lignes qui suivent, à la façon dont ces deux mouvements conflictuels-temporalisation de l'espace, dans le cas de Bergson, et spatialisation du temps, dans le cas de Proust-peuvent être pensés comme solidaires, et ce à l'aide de la notion qu'il est l'heure maintenant d'introduire : celle de chronotope. Transporté par Mikhaïl Bakhtine dans le champ des études littéraires, ce terme initialement élaboré en mathématiques et utilisé dans la théorie de la relativité d'Einstein 4 , permet d'envisager, comme sa forme contractée l'indique, le temps et l'espace conjointement, dans leur fusion même. Comme Bakhtine ne cesse de le répéter, il ne s'agit pas de formes vides et indifférentes l'une à l'autre, comme le prétend souvent la philosophie, mais « [l]es indices du temps se découvrent dans l'espace, celui-ci est perçu et mesuré d'après le temps » 5. Ainsi, la littérature donne à percevoir le temps et l'espace comme « des formes de la réalité la plus vraie », et non pas comme des catégories transcendantales à la manière de Kant, Bakhtine se proposant de comprendre « leur rôle dans le processus d'une connaissance concrète (d'une vision) de l'art littéraire » 6. En effet, dans « Formes du temps et du chronotope dans le roman » (1937), d'où proviennent les réflexions qui viennent d'être rappelées, Bakhtine explore la façon dont la division en genres romanesques, tout au long de l'histoire du roman depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours, peut être opérée en fonction des structures spatio-temporelles qui assurent la cohésion interne de chaque forme romanesque. La façon de faire jouer le temps/espace

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