Travailler fatigue : (À partir de Cesare Pavese)

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Maurice Rey évoque la liaison du travail psychique et des éprouvés de détresse et de solitude à partir d’un poème de Cesare Pavese, écrivain italien, mort en 1950 par suicide, à 42 ans, après une vie faite d’un excès d’expériences tragiques. Le poème intitulé « Travailler fatigue » (1936) donne son titre au premier recueil de l’auteur, alors âgé de 28 ans et exilé par le régime de Mussolini. Dans ce texte, Cesare Pavese décrit un homme en rupture avec son milieu familial et culturel d’origine, probablement campagnard, errant dans une ville. Étrangement, malgré le titre, il n’est pas directement question de travail, mais d’errance, de désespoir et de solitude. Le mythe de la perte du Jardin d’Eden, qui donne son sens à une telle errance, est rapproché de la notion apportée par Piera Aulagnier (1982) d’une « condamnation à investir ». Cette condamnation, consécutive de la séparation originaire d’avec l’objet, exige du sujet un effort sans cesse renouvelé pour maintenir l’investissement des représentations psychiques, malgré la tendance à désinvestir qu’entraîne la souffrance imposée au Je par la réalité.Mais si, dans le poème et dans la vie de Pavese, Éros et le retour espéré à « une femme-maison » apparaissent comme les seuls moyens de s’en sortir, M. Rey montre les limites de cette solution en se référant à l’article de Nathalie Zaltzman, « Tomber hors du monde » où se trouve décrite la conjonction d’une réalité sociale hostile et d’un Surmoi mortifère auquel le sujet se plie, et face à laquelle le souvenir des objets d’amour ne suffit pas. L’amour paraît à tort être la seule défense contre cette conjonction destructrice. Quand le vécu mélancolique laisse place à « un sentiment exaltant d’être au centre du monde », le Je s’identifie à un idéal que le Monde représente dans la fête maniaque (comme dans Le bel été, nouvelle de Pavese de 1940).Investir l’appartenance au genre humain pourrait-il permettre de résister ? L’homme du poème n’y parvient pas malgré la trace d’autres « hommes aux mains calleuses » qu’il peut reconnaître dans les rues où il erre.

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