Les enjeux linguistiques de la traduction : Cas du Petit Prince , entre langue écrite (français) et langue orale (kibushi)

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18 octobre 2023

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Ahamada Kassime et al., « Les enjeux linguistiques de la traduction : Cas du Petit Prince , entre langue écrite (français) et langue orale (kibushi) », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.l2m2f4


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Résumé Fr

À mesure que l’ouvrage exupérien est de plus en plus découvert par le biais de la traduction dans le monde, les approches aussi se diversifient en réponse au besoin d’adaptation. Tel est le cas pour l’introduction du Petit Prince auprès de jeunes Mahorais dans quatre villages kibushiphones à Mayotte qui ont été mis en contact avec celui-ci lors des ateliers participatifs effectués sur plusieurs jours en juin et juillet 2022. Relativement inconnu sur l’île française départementalisée il y a une décennie, l’ouvrage demeure un point d’intérêt autant pour ces liens à la culture littéraire française qu’aux messages universels qui y sont consacrés. Cette communication présente les résultats d’un projet participatif d’adaptation du Petit Prince en kibushi, langue minorée récemment reconnue en tant que langue régionale de la France. Le verrou scientifique du projet est de savoir comment l’ouvrage est traduit, interprété dans une langue sous-documentée et principalement orale par des personnes qui ne le connaissent pas et qui ne sont pas experts en traduction. La communication présente aussi l’autre enjeu du projet concernant la méthodologie de l’atelier participatif en tant que format alternatif pour découvrir Le Petit Prince dans un contexte plurilingue et pluriculturel. Les ateliers (Ørngreen & Levinsen, 2016) ont servi en tant que lieu pour faire découvrir l’ouvrage en groupe et pour faire traduire une version abrégée de 1200 mots en se basant sur l’écrit et l’oral. En effet, le kibushi, peu étudié, demeure une langue du village, de la maison. Les occasions pour en discuter en tant que tel, de penser à sa traduction sont limitées, en plus du fait qu’elle reste une langue très peu utilisée à l’écrit. À part deux dictionnaires sortis en 2016 (Gueunier, 2016 ; Jamet 2016), il n’existe pas de grammaires ni d'études poussées sur le kibushi. Des ouvrages sur les contes ont été produits (Blanchy et al, 1993 ; Gueunier, 1994, 2001 ; Gueunier et Saïd, 2011) ainsi que de la poésie (Djailani, 2015), mais des lacunes demeurent, y compris pour la traduction des ouvrages classiques, français ou autre. Le Petit Prince ne fait pas exception, et aucune adaptation en langue locale a été faite malgré le fort intérêt pour le faire découvrir aux Mahorais. D’ailleurs, la jeune population de Mayotte cohabite dans des espaces pluriculturels et plurilingues, avec l’école nationale en français qui se superpose aux langues locales et à la culture mahoraise dans les foyers. Ces jeunes, bilingues, interagissent en plusieurs langues et traversent entre de diverses pratiques culturelles au quotidien. Néanmoins, la langue française prend de plus en plus d’ampleur dans la vie, parfois au détriment des langues régionales. Ce projet a servi en tant qu’espace pour mettre en valeur le kibushi tout en travaillant sur un ouvrage classique français. La traduction est explorée dans les deux dialectes : le kisakalava avec à peu près 27 000 locuteurs et le kiauntalautsi, dont il n’y a que quelques milliers de locuteurs (Jamet, 2016). Ceci dans l’intérêt de découvrir la variation dialectale ainsi que les aspects culturels partagés entre villages. La complexité du paysage linguistique du projet rend riche l'interprétation, la traduction, et l’adaptation du Petit Prince en kibushi. Elle demande aussi une approche théorique qui ouvre sur la polyphonie du contexte, tel que celle de Bakhtine (1981, 1986) dont le dialogisme, la nature sociale des langues, et l’importance de l’espace-temps via le chronotope (Silverstein, 2005) servent de bases de toute analyse linguistique. Prenons par exemple la représentation du baobab. Dans l’ouvrage, le baobab est quelque chose d’ennuyeux qui menace le bien-être de l’astéroïde du Petit Prince. Il n’y a pas de place dans son monde pour ces grands arbres. Sans doute exotique pour les Français en métropole, le baobab à Mayotte est un symbole de fierté culturelle. Les deux espèces qui se trouvent sur l’île sont appréciées par la population et font partie du paysage côtier. Par conséquent, le chronotope spécifique de la traduction lors des ateliers à Mayotte est unique et génère de sens qui n’est pas pareil ailleurs, par exemple en France métropolitaine. Il existe le glissage du sens et le dialogique fond de mots, comme le baobab, qui occupe plusieurs sens, à la fois menaçant et mis en valeur.La communication explore de tels “glissages” sémantiques lors des ateliers en passant par trois parties des résultats. D’abord, l’aspect interlangue sera abordé, tel que les enjeux de traduire du français au kibushi en utilisant des méthodologies d’analyse du discours (Fairclough, 2010 ; Maingueneau, 2021). Ensuite, la variation intralangue sera explorée avec une analyse des choix individuels et dialectaux notamment voir comment varie la traduction d'un même texte selon la catégorie d'âge ou l'appartenance régionale des locuteurs. Classer les âges et les situations professionnelles est par exemple un moyen d’identifier le groupe le plus exposé aux lacunes et aux difficultés linguistiques dans l'exercice de la traduction. Enfin, les analyses montrent que le processus de traduction est autant discursif qu’itératif, et que l’étape de passer à l’oral via la lecture à haute voix des traductions ont incité les participants à adapter leurs traductions écrites. Les défis sémantiques et la quête pour découvrir leur voix lors des ateliers sont analysés. Pour les participants, travailler sur une relecture orale de la traduction l'a rendu compte des problèmes qui les ont rendues agrammaticales et incompréhensibles. Il fallait voir l’aspect oral des traductions afin de les rendre plus “naturels” lors de la représentation devant le public.

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