27 octobre 2023
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Odile Gannier, « La tolérance en voyage. Leçons sur le déplacement à la Renaissance », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.l64b89
Dans le premier collectif sur la Tolérance (journée d’études de Nice, 28 juin 2019 ), j’avais proposé de considérer la « tolérance » comme l’abandon de souveraineté sur les marges du territoire résistant que représentent les valeurs personnelles ou collectivesconsidérées comme intangibles. Dans le présent article les variations du concept et de l’actualisation de la tolérance à travers les personnes en déplacement, qui se décrivent ou sont mises en scène par la littérature de voyage ou sur les voyages au XVIe : une ligne de démarcation se dessine ainsi non seulement entre voyageurs et sédentaires, mais aussi entre différents voyageurs, selon qu’ils se transportent entièrement avec eux-mêmes, caparaçonnés dans leurs certitudes – et donc susceptibles de tolérance si elle n’affecte pas leur entité personnelle –, ou qu’ils sont prêts à s’adapter aux manières et croyances locales, moyennant des concessions sur leur territoire intime. Nous prenons pour hypothèse de travail le présupposé que les voyageurs en mission, qui sont conditionnés par les impératifs de leur mandat, ainsi que les voyageurs très imbus de leur propre culture relèvent plutôt de la première catégorie, tandis que le « voyageur » sans but particulier se plaît, au moins en théorie, à entrer dans la seconde. Pourquoi la Renaissance est-elle exemplaire ? Parce que les voyages de découverte révolutionnent les conceptions géographiques de l’Ancien Monde, et suscitent des réflexions sur l’étrangeté. On se souvient ainsi de la différence entre Thevet et Léry dans l’Amérique tout juste découverte (Thevet plein de certitudes, Léry friand de découvertes), ou de Montaigne visitant l’Italie sans préjugés… La Renaissance offre àcet égard des exemples significatifs, qui seront repris et amplifiés plus tard.