2012
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Julia Roussot-Larroque, « Gigantisme lithique et symboles du pouvoir : les grandes lames en silex de la “ tombe de chef ” de Pauilhac (Gers) / Lithic gigantism and power symbols : The large flint blades of the “chief grave ” of Pauilhac (Gers) », Supplément à la Revue archéologique du centre de la France, ID : 10670/1.l7zk9w
En 1865, à Pauilhac (Gers), des terrassiers ont mis au jour un ensemble d’objets composé de six longues lames ou fragments de lames en silex, deux grandes haches polies en roche verte, une plaque et sept perles en or et deux défenses de Suidé à double perforation. D’après les ouvriers, ces objets se trouvaient à 2 m de profondeur, au pied d’une “ muraille ” de pierres brutes maçonnées de terre, avec des débris d’ossements d’homme ( ?) et de cheval ( ?), le tout interprété à l’époque comme une “ sépulture de chef”. La plus grande lame de silex a près de 350 mm de long, une autre environ 250 mm et les autres, incomplètes, devaient être assez longues aussi. Elles ont été débitées par pression au levier dans un silex lacustre oligocène, probablement du bassin de Forcalquier (Alpes de Haute-Provence). Selon Jacques Pelegrin, les talons portent des stigmates révélant l’emploi d’un compresseur en cuivre. Les lames, sauf la plus longue, avaient été sectionnées intentionnellement (rite sacrificiel ?). Les deux grandes haches à tranchant évasé, parfaitement polies, sont en roche verte (jadéite probable) originaire des Alpes occidentales. Pour elles comme pour les lames, on peut parler de “ gigantisme Ethique ”. La grande plaque losangique en or, à décor pointillé, n’a de comparaisons que dans le sud-est de l’Europe. Les sept perles d’or, en forme d’olives, ont disparu. Les défenses de sanglier, probable trophée de chasse, ont été transformées en objets de parure. Les lames et les haches polies sont faites de matériaux importés de plusieurs centaines de kilomètres, et ont fait l’objet d’un fort investissement technologique. Toutes les composantes de cet assemblage ont en commun leur caractère non fonctionnel. Il s’agit clairement d’objets socialement valorisés, à forte charge symbolique. Les défenses de sanglier confirment cet affichage, à une époque où la chasse n’est plus indispensable à la subsistance quotidienne. Dans cet ensemble où tout paraît signifiant, le métal joue un rôle très particulier. Seul l’or est ostensiblement montré. Le cuivre au contraire n’est présent que sous forme de “ fantôme ” (prototypes en cuivre des haches polies à section rectangulaire et tranchant étalé ; compresseur de métal pour le débitage des lames). Longtemps considéré comme une “ rupture technologique ” synchrone du début du Néolithique final dans le midi de la France, le débitage de grandes lames par pression au levier est en réalité apparu plus anciennement, dès le 4e millénaire avant J.-C., dans le contexte du Chasséen méridional (Néolithique moyen). L’invention de cette nouvelle technique lui aurait été transmise par ses contacts soit avec la Méditerranée centrale (Sardaigne), soit avec des groupes synchrones de l’Ouest des Alpes et de l’Italie du Nord. La première moitié et le milieu du 4e millénaire coïncident avec la conquête des pâturages d’altitude par des communautés néolithiques qui exploitaient aussi les matériaux Ethiques locaux et les minerais. A cette époque, des liens s’étaient établis aussi au-delà des Pyrénées. Des exemples ethnographiques montrent que les communautés pastorales peuvent atteindre un niveau d’accumulation de surplus et de hiérarchisation sociale dépassant ce que pouvaient atteindre les agriculteurs sédentaires.