2016
Andrée Lerousseau, « "'Schwàrzi Sengessle flàckere ém Wénd". Le requiem alsacien de Claude Vigée" », HAL-SHS : histoire des religions, ID : 10670/1.la2lja
Durant l'été 1982, sur une terrasse surplombant Jérusalem, Claude Vigée sent monter en lui la langue exilée de son enfance, le dialecte alsacien, et compose en quelques jours le recueil "Schwàrzi Sengessle flàckere ém Wénd" ("Les orties noires flambent dans le vent"), son requiem alsacien, monument littéraire érigé à la mémoire d'une génération sacrifiée, de ses anciens camarades de classe "les petits Juifs, - en balade à Auschwitz" et "les petits chrétiens à Tambov". S'articulant autour de la notion de requiem à laquelle Vigée fait explicitement référence, l'article analyse la façon dont cette "Rock-un-rollmops-dischtung", ce "mélange explosif d'une si rare espèce" qui combine le tragique et le comique, la tristesse et un humour noir confinant parfois au grotesque, revisite de fond en comble la liturgie, rejetant en outre les mensonges dont se parent les discours commémoratifs officiels. Epopée lyrique dans la lignée du baroque bas-rhénan, cette "liturgie frénétique" (Vigée) qui dénonce le crime et entend malgré tout célébrer la vie, se termine par l'assomption de la langue maternelle dialectale, libérée et rendue par le poète aux jeunes générations d'Alsace.