2008
Cairn
Victor Karady, « Les fonctions idéologiques des statistiques confessionnelles et ethniques dans la Hongrie post-féodale (1867-1948) », Revue d'Histoire des Sciences Humaines, ID : 10670/1.lbr5yk
L’article fait le point sur l’émergence et le parcours historique de la discipline statistique en Hongrie, secteur fort des sciences sociales en formation pendant le long xixe siècle dans le pays. L’organisation de l’appareil statistique est liée à l’État-nation qui s’établit après la Guerre d’indépendance de 1848-1849 et le Compromis historique avec l’Autriche en 1867. Ses pièces institutionnelles maitresses – l’Office Central de Statistique et le Bureau Statistique de la capitale – rivalisent de professionnalisme dûment reconnu par les instances internationales de la discipline. Le caractère uniquement composite du pays sous le rapport ethnique et confessionnel et l’enjeu politique de l’assimilation des minorités font développer la saisie exceptionnellement raffinée des données structurelles de l’ordre social, éclatées selon la langue maternelle et la religion (démographie, compétences linguistiques, stratification socio-professionnelle, scolarité, migrations, habitat, économie, fiscalité, etc.). À son apogée vers la fin de l’époque libérale après 1900, la discipline se perfectionne encore sous le régime semi-autoritaire et antisémite de l’entre-deux-guerres (le « Cursus chrétien ») et se pervertit dans les années de la nazification et du tournant communiste d’après 1945, pour tomber victime du dogmatisme stalinien, au point d’être officiellement supprimée de 1949 et 1957 en tant que « science bourgeoise ».