Créer en marge de la dictature : le cas du cinéma indépendant en Égypte et en Syrie (1950-2015)

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2019

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Les grands régimes totalitaires occidentaux l’avaient bien compris : le cinéma est une arme pour le pouvoir, mais aussi pour le peuple, si on le laisse s’en emparer. Adoptée en Égypte dès le début du XXe siècle avec la volonté de s’ouvrir sur l’Occident, l’industrie du cinéma égyptien devint rapidement l’une des plus importantes du monde. Introduit d’abord par des cercles cosmopolites, le cinéma, en Égypte, est vite pris en mains par des hommes d’affaires soucieux avant tout de s’assurer des gains rapides. Au fur et à mesure de l’extension de l’éducation et de la formation de classes « modernes », le cinéma s’étend et s’égyptiannise sous formes de « genres » : mélodrames, farces, comédies musicales qui deviennent vite d’immuables poncifs, catastrophiques en ce qu’ils bloquent le goût du public et la recherche critique des réalisateurs (Thoraval, 1996, p. 2). L’arrivée au pouvoir de Nasser en 1952 fut le principal moteur de transformation du cinéma égyptien (Farid, 1973, p. 30). Les grands genres qui font tout son succès ne disparaissent pas, mais une nouvelle ligne créative est donnée : les cinéastes semblent plus libres, dans la mesure du moins où ils se soumettent aux nouvelles idéologies de production attendues par le régime, qui doit voir dans ces films une glorification épique du socialisme et une valorisation éloquente du nationalisme arabe prôné par Nasser (Thoraval, 1996, p. 33). La censure n’ayant pas disparu, et l’industrie égyptienne étant particulièrement développée, créer en marge devient alors synonyme de création clandestine : exclus des systèmes de production et de distribution, les cinéastes indépendants se confrontent à de réelles difficultés pour exister. Le cinéma syrien, pour sa part profondément méconnu et rare, reste sans commune mesure avec l’industrie cinématographique égyptienne. Durant les années 1960-1970, rien ne le différencie vraiment du genre mélodramatique égyptien. Néanmoins, dès le début des années 1970, à la faveur de l’implication de l’État dans la production cinématographique, le cinéma syrien va emprunter la voie plus confidentielle du « cinéma alternatif » (Al-Ariss, 1978, p. 41). Un nouveau type de film apparaît, soutenu par le régime lui-même, qui crée l’Organisme Général du Cinéma dès l’arrivée des baathistes au pouvoir. Ce courant alternatif, dont l’objectif est de se démarquer des standards narratifs du cinéma commercial – notamment égyptien -, va dépasser les idéologies du régime et aboutir, finalement, à un cinéma d’auteur singulier de par son audace esthétique et politique, que nous définissons comme en marge de la culture officielle. En effet, cette évolution n’a évidemment pas été dessinée par les fonctionnaires en charge de superviser la production cinématographique : elle résulte plutôt d’une appropriation des moyens de production par des cinéastes qui ont testé sans relâche les limites de l’expression dans un contexte de contrôle politique exacerbé. Réalisés au sein de l’Organisme Général du Cinéma – et donc financés par l’État – entre les années 1970 et le début des années 2000, ces films proposent une vision alternative, voire critique, de l’ordre politique en Syrie.

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