2011
Cairn
Hugues Didier, « L'empathie en marche : Matteo Ricci et son Traité de l'amitié », Histoire et missions chrétiennes, ID : 10670/1.lhggjz
La Chine ne pouvait admettre les messagers de l’Évangile que s’ils s’accommodaient à sa civilisation. Forts de l’expérience de la mission japonaise, le jésuite Matteo Ricci (1552-1610) se lance dans l’accommodation à l’Empire du Milieu, placé alors sous l’hégémonie du néo-confucianisme. Son Traité de l’Amitié manifeste aussi bien une certaine fidélité à Cicéron et à l’Occident que son désir de sinisation. Il place les Chinois plus haut dans l’échelle humaine que les Gréco-Romains. C’est qu’il les accrédite d’être restés très fidèles, à travers Confucius, à la religion naturelle, catégorie essentielle de la théologie catholique. Par ailleurs, il n’éprouve qu’antipathie ou mépris envers les deux autres traditions chinoises : taoïsme, confondu avec la superstition, et bouddhisme, dans lequel il voit un conglomérat labyrinthique de Pythagore, de Démocrite et d’éléments du christianisme. La tentative d’adapter le message chrétien entreprise par Ricci et les jésuites n’est pas la première du genre. Elle a comme précédent celle que l’Église de Babylone entreprit aux viie- viiie siècles, tentative marquée de certains traits syncrétistes. Il convient aussi de signaler les tentatives d’adaptation des communautés juives et surtout musulmanes, tentatives que Ricci examine avec soin. On remarque à ce propos les affinités lexicales entre les termes utilisés en chinois par les missionnaires occidentaux pour parler de Dieu et ceux que les musulmans emploient. Pas plus que les chrétientés fondées par les jésuites, l’islam de Chine n’allait échapper aux persécutions. On pourrait sans doute parler d’un échec partagé par toutes les religions abrahamiques dans l’Empire du Milieu. Mais ce qui s’est passé ne dit pas ce qui, à l’avenir, peut arriver...