28 novembre 2020
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Chloé Perrot, « Iconologies des Lumières : des usages d'un modèle en France au XVIIIe siècle », Theses.fr, ID : 10670/1.li2tjd
L’Iconologia de Cesare Ripa paraît pour la première fois en 1593 à Rome. En 1636, Jean Baudoin l’adapte en français. Les modifications opérées par le polygraphe et moraliste sur le texte original constituent la première étape de transformations qui touchent tant l’esprit que la lettre du modèle ripesque. En effet, tout au long du XVIIIe siècle, et plus particulièrement dans la seconde moitié, les publications d’iconologies se succèdent. Chacune apporte sa part d’innovations. Plus encore, d’importantes variations apparaissent dans la manière dont elles décrivent leur propre objet. Dès lors, il devient légitime de s’interroger sur la permanence de ce qu’Émile Mâle considérait être la clé des allégories de l’époque moderne. Le corpus est tout d’abord envisagé tel qu’il se présente au lecteur, en tant qu’objets livres, et dans son histoire éditoriale. Cette approche permet d’appréhender les modalités de son élaboration et de sa diffusion. Les particularités matérielles et intellectuelles des différentes éditions contribuent à l’élaboration d’une typologie multifactorielle. De points communs en différences, l’hétérogénéité des recueils doit alors être questionnée du point de vue de la fonction. Entré comme nom commun dans la langue, le terme « iconologie » semble vouloir désigner si ce n’est un genre, du moins un type d’ouvrages, des dictionnaires d’une langue en images à destination des artistes et des amateurs, un code, un « canon immuable » selon les mots de François Deshoulières. Pour autant, tout parait problématique dans cette lecture et l’approche sémiotique, dont la notion de genre est le fil directeur, contredit toute inscription des iconologies dans une catégorie unique. Cependant, le nom même de l’iconologie trahit la présence d’un logos, la potentialité d’un discours de raison dont les auteurs, hommes des Lumières et de la parole prise par l’opinion, se saisissent. Les estampes et les textes, les images-langage d’une éducation par les yeux, leur organisation, leur finalité et leurs usages, tout témoigne à la fois d’un contexte de production et du désir de chacun d’influencer son environnement. Comme le soulignait Maurice Agulhon, « discours parlé, discours écrit, discours figuré s’adressent désormais à des masses d’auditeurs populaires, se multiplient pour elles ». De fait, les iconologistes accroissent sans cesse le nombre des concepts décrits, dans une démarche qui ne cherche plus à en révéler l’essence absolue mais le sens qu’ils leur prêtent, donc leurs idées et leurs idéaux.