Représentations endophasiques et imaginaires carcéraux (p. 243-258)

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2019

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Stéphanie Smadja, « Représentations endophasiques et imaginaires carcéraux (p. 243-258) », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.lleqpf


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À quoi pensent les autres ? Quelles sont les représentations intérieures de chacun ? Comment se construit l’identité ? Qu’est-ce que l’identité ? Autant de questions auxquelles les enquêtes sur la vie intérieure et le langage intérieur apportent des pistes de réponses nouvelles, depuis la fin du xixe siècle (enquêtes de Georges Saint-Paul) mais surtout ces quarante dernières années en sciences cognitives et neurosciences. Nouvelles mais non totalement inédites, dans la mesure où la littérature offre depuis longtemps un aperçu d’intériorités fictives à tel point que la représentation de la vie intérieure constitue selon Dorrit Cohn l’un des critères de définition de la littérarité et de la fiction. Il peut sembler a priori peu pertinent de comparer un corpus littéraire, déjà très étudié de surcroît, et un corpus de vie réelle en la matière. Pourtant, plusieurs points communs les réunissent, à commencer par la notion de récit, centrale dans les deux cas, et l’intérêt croissant de la littérature pour la vie intérieure depuis le xixe siècle. Si, en littérature, la syntaxe du langage intérieur n’est pas toujours représentée de façon vraisemblable d’un point de vue psycholinguistique, en revanche, les fonctions en sont parfaitement incarnées.Depuis 2014, un nouveau protocole créé au sein du programme interdisciplinaire Monologuer permet de collecter des représentations et restitutions de langage intérieur, afin d’en étudier les formes linguistiques. L’une des enquêtes Monologuer a été menée en maison centrale, auprès d’une dizaine de détenus. Je propose d’en comparer les résultats avec une représentation littéraire de vie intérieure en milieu carcéral, au début du xixe siècle. En 1829, Hugo publie Le Dernier Jour d’un condamné, le journal intime fictif d’un prisonnier juste avant son exécution. S’il s’agit d’un « plaidoyer, direct ou indirect, pour l’abolition de la peine de mort », comme le précise la troisième préface de 1832 (p. II), ce roman se présente sous la forme d’un écrit de vie intérieure pendant les dernières vingt-quatre heures. Ce récit n’est pas un monologue intérieur mais transpose bien la parole intérieure d’un détenu dont le lecteur ignore le patronyme, l’ancrage socio-culturel et même le crime. Nous ne connaissons de cet être fictif que ses ressentis, ses interrogations, ses émotions. Au-delà de la portée historique, rhétorique et politique d’un tel écrit, nous y retrouvons certaines représentations, formes et fonctions du langage intérieur, telles que les révèlent les enquêtes récentes. À une époque où la population carcérale atteint un seuil critique (71 000 détenus en France pour 60 000 places, selon un article du Monde, daté du 26 décembre 2018, un chiffre jamais atteint auparavant), ces deux corpus soulèvent plusieurs enjeux : quelles sont les conséquences de telles conditions de vie sur le langage intérieur ? Quels rôles le langage intérieur joue-t-il en milieu carcéral ? Qu’est-ce que la parole intérieure révèle du lien entre l’individu et la société ? Je propose d’explorer ces questions à travers une comparaison des représentations intérieures, fictives et réelles, et une analyse des fonctions endophasiques.

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