24 juin 2024
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Delphine Richard, « La vie politique depuis les oflags et stalags allemands. Laboratoire et anamorphose de l’opinion française des « années troubles » », Histoire Politique, ID : 10670/1.lycdt7
À la suite de la débâcle de l’armée française au printemps 1940, près d’1,6 million de soldats français sont envoyés en Allemagne comme prisonniers de guerre. Détenus dans des camps militaires jusqu’à leur libération par les Alliés en 1945, ces Français dans la force de l’âge subissent alors l’expérience très singulière de cette captivité de guerre. Enjeu central de la politique de collaboration entre Vichy et le Reich, cet échantillon de la société française vit ainsi cinq années en plein cœur du territoire allemand sous surveillance de la Wehrmacht, dans le monde clos des stalags et des oflags. Coupés de leurs proches et de leur patrie, ils tentent par tous les moyens de maintenir le lien avec la France malgré l’enfermement et l’éloignement. Des sources variées nous permettent d’appréhender leur perception de la vie politique française depuis leurs camps allemands, nous renseignant sur les opinions et attitudes qui s’y développent passés les quelques mois qui suivent le profond traumatisme de la défaite. Dans un contexte où les prisonniers sont à la fois désinformés et instrumentalisés, le pétainisme connaît de longues heures de gloire. Mais cette adhésion semble correspondre pour la majorité de ces Français en exil à l’expression d’une forme de patriotisme sommaire dans leur contexte où seule la figure de Pétain incarne la France. Si cette opinion manifestement dominante évolue lentement et tardivement vers un ralliement massif à la Résistance dans les derniers mois de la guerre, le processus ne va pas sans chevauchement et ambivalences : il ne s’agit pas d’un simple cheminement linéaire du pétainisme vers le gaullisme. L’étude de cette « opinion » sous cloche dessine ainsi une forme d’anamorphose de l’opinion publique française troublée des années noires, complétant et reflétant toute sa complexité.