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Guilhem Armand, « La Gastronomie de Berchoux : une naissance critique », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.m3elk1
Lorsqu’en 1801 Joseph Berchoux publie son poème pastiche en hommage à Delille, La Gastronomie ou l’homme des champs à table, il ignore encore la fortune qu’aura son néologisme qui vient consacrer plus d’un siècle de discours sur cet art et cette science. Car ce n’est pas seulement dans les cuisines et autour des grandes tables que naît la gastronomie française, mais bien dans les textes toujours plus nombreux, et dans les polémiques de lettrés qui émaillent le siècle de Louis XIV et surtout celui des Lumières. Les tentatives de définition, les essais de classification (métier, art et science tout à la fois, elle préoccupe nécessairement les encyclopédistes), les débats sur ce qui la fonde (l’innovation, la tradition, l’authenticité…), tout cela a créé la gastronomie - qui, sans chauvinisme aucun, ne pouvait naître que dans la France des Lumières -, c’est-à-dire un savoir, un savoir-faire, mais aussi un discours, voire un incessant dialogue.Le long poème de Berchoux ressortit au style néo-classique, mais en jouant sur une tonalité plus légère. Il y a dans ses vers aussi bien un désir de figer une tradition qu’une tentation de l’innovation, une pointe de provocation sur un lit d’alexandrins rassurants. Aussi mon hypothèse est-elle que si son néologisme est demeuré pour désigner ce domaine que l’on peine encore aujourd’hui à définir, c’est bien parce que son poème non seulement chante les saveurs des arts culinaires, mais aussi qu’il fait goûter le plaisir qu’il y a à en parler, suivant une poétique nourrie des discours du siècle précédent.