8 juillet 2021
Sylvie Pouteau, « Par-delà de « seconds animaux » : donner sens à une éthique pour les plantes », HAL-SHS : philosophie, ID : 10670/1.m7arxe
Le souci de ce que nous faisons aux plantes devrait être fondamental pour le champ de l’éthique environnementale, et pourtant il n’est encore que rarement exprimé. Notre étude examine comment l’éthique des plantes à fait son entrée en scène du fait de l’avancée des sciences végétales, mais tout en se heurtant aux limites théoriques inhérentes à ce domaine. Elle s’appuie sur une étude de cas qui a vu le jour grâce à un article de la Constitution suisse sur « la dignité des créatures ». Fait intéressant, la question de la dignité de la plante a été réinterprétée comme une personnification, ou plus exactement comme une « animalisation des plantes ». Ce trait d’humour s’explique dès lors qu’on réalise que d’un point de vue scientifique la plante est un « second animal ». Ceci veut dire qu’elle ne diffère de l’animal que par degré, qu’il s’agisse d’un degré de vie ou de tout autre critère ayant valeur éthique, mais pas par nature. Or d’un point de vue éthique, les plantes ne peuvent être défendues qu’en vertu de leur nature propre, et non par comparaison à des références externes : le statut éthique des plantes ne peut être indexé à celui des animaux. Pour contourner le travers d’un fétichisme douteux et fonder l’éthique des plantes de manière juste, nous jugeons nécessaire de modifier les fondements théoriques des sciences végétales. Le sens commun nous rappelle que les plantes et les animaux appartiennent à des champs de perception et d’expérience radicalement différents, cette différence s’exprimant généralement par la notion de règne. Dans cette étude, nous développons l’argument éthique selon lequel les plantes sont incommensurables avec les animaux parce que ce sont des êtres non divisés (n’ayant ni intérieur ni extérieur). Autrement dit, elles vivent comme des « non-topos » dont la forme d’existence est indivise, illimitée et non-centrée. Pour conclure, nous estimons que l’originalité ontologique des plantes ne peut être reconnue qu’à la condition d’un changement majeur, qui est de passer d’une pensée-objet à une pensée-processus et d’une éthique égo-centrée à une éthique « égo-périphérique ».