La dictature et l’autoritarisme en tant que spectres. Retour sur la théorie des pouvoirs de crise d’Eric Posner et d’Adrian Vermeule

Résumé Fr En

Cet article porte sur la pensée des pouvoirs de crise d’Eric Posner et d’Adrian Vermeule, méconnue en France, mais influente aux États-Unis. Il souhaite en particulier interroger l’une des thèses centrales de leurs ouvrages respectifs consacrés aux pouvoirs d’urgence après le 11 septembre, puis après la crise économique de 2008 : selon ces auteurs, la crainte d’un glissement autoritaire ou d’une dictature en raison d’un usage répété des législations d’urgence est désormais anachronique dans le droit américain, où il relève d’un « spectre ». En prenant appui sur le concept de « spectre » de Derrida, on émettra l’hypothèse que la pensée des pouvoirs de crise de Posner et Vermeule engage une conception de la temporalité du droit contemporain qui convoque, autant qu’elle le nie, le spectre de l’autoritarisme.

This article looks at Eric Posner’s and Adrian Vermeule’s thinking on emergency powers, which is little known in France but influential in the United States. In particular, it examines one of the central theses of their works on emergency powers after September 11, and then after the 2008 economic crisis: according to these authors, the fear of an authoritarian shift or a dictatorship due to the repeated use of emergency legislation is now anachronistic in American law, where it has become a spectre. Drawing on Derrida’s concept of the “spectre,” we hypothesize that Posner and Vermeule’s thinking on emergency powers engages a conception of the temporality of contemporary law that summons, as much as it denies, the spectre of authoritarianism.