6 juin 2019
Josselin Tricou, « Des soutanes et des hommes. Subjectivation genrée et politiques de la masculinité au sein du clergé catholique français depuis les années 1980 », HAL-SHS : sciences politiques, ID : 10670/1.m9palc
A la croisée d’une sociologie politique du catholicisme et des études de genre, cette thèse interroge le déclassement de la figure du prêtre catholique dans l’espace des masculinités au sein des sociétés occidentales, soit dans un contexte de perte d’emprise de l’Eglise catholique et de démocratisation sexuelle qui la redouble. La thèse analyse d’abord les effets d’une disqualification symbolique de la masculinité sacerdotale dans les représentations sociales, disqualification qui vient percuter un secret institutionnel bien gardé jusque-là : celui de la surreprésentation homosexuelle dans le clergé et de la fonction de « placard » qu’avait l’institution cléricale. Or, loin que le discours agressif du Vatican contre l’homosexualité soit dissuasif, il a pour effet paradoxal d’attirer encore plus les candidats homosexuels au sacerdoce, alors même que la vocation a largement été désertée par les hétérosexuels après l’avoir été par les classes populaires. D’où l’idée qu’on a assisté à partir des années 1980, sans toujours le savoir, au « grand chassé-croisé des sexualités aux portes des sacristies ». Mais invisible, y compris aux yeux des intéressés, cette fonction sociale du corps clérical comme refuge pour les personnes non-hétérosexuelles devient transparente à elle-même à partir à partir des années 1990, dans des sociétés qui renoncent à imposer le placard aux « autrement sexualisées » (les LGBTQI).La thèse analyse ensuite les efforts de l’appareil catholique pour contrer cette disqualification à travers la mise en œuvre de politiques de la masculinité. Le genre et la sexualité apparaissent alors pour ce qu’ils sont : des lieux d’expression du pouvoir au sein de l’institution, un champ de luttes pour maintenir la position de l’institution au sein de la société et, enfin, l’objet de politiques mises en œuvre par ses agents pour maintenir leur position et l’engagement des fidèles à leurs côtés.En conclusion, la thèse affirme que l’obsession de la masculinité pour un sacerdoce qui continue d’exclure les femmes amène l’Église catholique, dans un même mouvement, à constituer l’homosexualité en un problème essentiel et à passer à côté de ce qui, hors de l’Église, apparaît, à l’heure de la démocratie sexuelle, comme le véritable enjeu : non seulement l’homophobie, mais aussi les violences sexistes et sexuelles.