2016
Joël Biard, « Koyré et le problème du vide au Moyen Âge : remarques sur le continuisme et le discontinuisme », HAL-SHS : histoire, philosophie et sociologie des sciences et des techniques, ID : 10670/1.mja5nl
L’une des contributions les plus connues d’Alexandre Koyré aux études médiévales est son article sur « Le vide et l’espace infini au XIVe siècle ». Il conteste l’appréciation de Pierre Duhem selon laquelle on assisterait à partir de la fin du XIIIe siècle à un renouvellement des questions de physique et de cosmologie sous l’effet de positions théologiques. Nous avons confronté cette appréciation à la connaissance plus précise que nous pouvons avoir aujourd’hui de ces théories. Si l’on peut s’accorder, contre Duhem, à minimiser l’apport propre des condamnations de 1277 dans l’émergence de la science moderne, il apparaît que la réflexion sur le vide au sein même de la philosophie naturelle péripatéticienne n’est nullement sclérosée. Nous avons ensuite remarqué que, paradoxalement, Alexandre Koyré emprunte ses matériaux à Pierre Duhem lui-même. Nous avons enfin souligné que l’opposition entre les deux historiens des sciences ne réside pas tant dans le continuisme ou le discontinuisme que dans le lieu et les raisons des ruptures : pour Duhem, l’aristotélisme est renouvelé de l’extérieur par la théologie ; pour Koyré, ce sont dans les tentatives de mathématisation (école d’Oxford) qu’il faut voir les premiers germes de nouveauté, qui ne s’épanouiront que grâce au platonisme. La réalité de la philosophie naturelle aristotélicienne telle qu’elle est bien vivante entre le XIIIe et le XVIe siècle rend aujourd’hui ces thèses difficilement soutenables, quel que fût le mérite de Koyré qui s’efforce de donner une image informée des médiévaux dont il parle.