9 septembre 2024
info:eu-repo/semantics/openAccess , https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/
Margareta Tengberg et al., « Plant exploitation and vegetation cover », CNRS Éditions, ID : 10670/1.mjbknb
Plusieurs types de vestiges botaniques ont été systématiquement collectés lors des fouilles de Klimonas de 2011 à 2016 : graines et fruits, charbons de bois et empreintes de végétaux dans la terre à bâtir. Ils correspondent aux plus anciens témoignages directs connus à ce jour de l’utilisation de plantes par les populations préhistoriques de Chypre. Dans un contexte où les reconstitutions des paléo-environnements végétaux sont rares, notamment à cause de l’absence d’études palynologiques, ils permettent également d’apporter des informations sur la nature et la composition des formations végétales présentes autour du premier village connu sur l’île. Dans tous les secteurs fouillés, des échantillons ont été prélevés manuellement ou extraits par la méthode de la flottation de sédiments en vue de la recherche de restes végétaux. Si ces prélèvements ont concerné prioritairement les niveaux du Néolithique pré-céramique, la période Sotira est également représentée dans le corpus archéobotanique. Malgré un effort d’échantillonnage considérable, avec la flottation de 6 025 litres de sédiments provenant de 168 contextes archéologiques, le nombre de restes carbonisés reste faible. Les médiocres conditions de préservation des restes végétaux peuvent être expliquées par la nature des sols et la forte bioturbation, phénomènes constatés également sur d’autres sites préhistoriques de l’île. Les résultats de l’analyse anthracologique, associés à ceux de l’étude carpologique, apportent des éléments sur l’environnement du site lors de son occupation à au début du 9e millénaire av. n. è. Les charbons de bois et les fruits appartenant au genre Pistacia dominent les assemblages de restes végétaux carbonisés. La morphologie des endocarpes permet d’établir la présence de deux espèces : le pistachier térébinthe (Pistacia terebinthus) et le pistachier de l’Atlas (P. atlantica). Les autres ligneux identifiés à partir des charbons de bois issus du Bâtiment communautaire et du Secteur B sont le chêne (Quercus sp.), le nerprun (Rhamnus sp.), l’olivier (Olea europaea) et plusieurs membres de la famille des Rosacées (Prunus sp., Maloideae). À ceux-là peuvent être ajoutés le micocoulier (Celtis tournefortii) et le figuier (Ficus carica), identifiés à partir de leurs fruits. L’association de ces taxons suggère la présence autour du site de formations arborées, riches en ressources de bois et de fruits comestibles. La présence de bois de Prunus soulève des interrogations car tous les représentants de ce genre poussant actuellement sur l’île (abricotier, prunier, cerisier, amandier) sont considérés comme ayant été introduits plus tardivement pour y être cultivés. Si la présence d’une végétation forestière de type méditerranéen semble bien établie, les résultats de l’analyse archéobotanique n’indiquent pas l’existence de milieux humides proches ni l’exploitation d’espèces ripicoles. Dès la première campagne de fouilles à Klimonas, la présence de céréales a été constatée. De l’orge et du blé amidonnier ont été identifiés à partir d’empreintes laissées dans la terre utilisée pour construire le Bâtiment communautaire (St 10). De rares restes carbonisés de ces mêmes taxons ont également été collectés, tout comme un caryopse identifié comme étant du blé engrain. Leur statut en tant que plantes sauvages ou domestiquées ne peut pas être déterminé par l’analyse des restes disponibles, constitués surtout d’empreintes de paille et bale dans la terre crue. Cependant, il est vraisemblable que les blés aient été introduits à Chypre pour y être reproduits car les ancêtres sauvages de l’amidonnier (Triticum dicoccoides) et de l’engrain (T. monococcum ssp. aegilopoides) ne font pas partie de la végétation spontanée de l’île. Sachons en revanche que l’orge sauvage (Hordeum spontaneum) est indigène à l’île et a pu être mise en culture à partir de populations locales. La présence du blé à Klimonas correspond à l’attestation la plus ancienne d’introduction de céréales à Chypre et à un exemple précoce de la diffusion des plantes et de pratiques agraires en Méditerranée orientale. Sur des sites proche-orientaux contemporains il n’y a, à cette période, pas encore d’indices de domestication bien que des populations dans plusieurs régions semblent déjà avoir expérimenté des pratiques agraires. Dans ce sens, les premiers agriculteurs-cueilleurs de Klimonas s’inscrivent dans la large koinè des populations du Néolithique pré-céramique de régions telles que le Levant ou l’Anatolie. Parallèlement aux restes de céréales – peu nombreux mais hautement significatifs –, le site a produit une gamme réduite de taxons sauvages parmi lesquels figurent mauves, gaillets, graminées sauvages et plusieurs espèces fruitières mentionnées ci-dessus.