2010
Cairn
Philippe Béraud et al., « Crise et variables d'ajustement des États pétroliers méditerranéens », Management & Avenir, ID : 10670/1.mk97kp
De manière générale, en dépit des investissements considérables réalisés au cours des trois dernières décennies, les pays exportateurs d’hydrocarbures du sud de la Méditerranée et des autres parties du monde arabe et musulman n’ont pas réussi à trouver dans la manne pétrolière une issue au sous-développement. Si l’on retient les critères de la Banque Mondiale, la combinaison entre un taux élevé d’accumulation et une croissance faible du revenu par tête classe la majorité des pays producteurs à forte capacité d’absorption dans le groupe des pays à performances médiocres. À cet égard, pour ce qui concerne les économies méditerranéennes, l’Algérie représente un exemple de cette difficulté à assurer la conversion des revenus d’exportation tirés des hydrocarbures en moyens de production suffisamment performants et diversifiés pour engager une croissance cumulative et auto-entretenue, et permettre ainsi la construction de capacités domestiques susceptibles de couvrir les besoins des populations. Les contraintes liées au poids de la démographie et à l’urbanisation accélérée s’accordent mal avec des taux d’emploi trop faibles et une économie non pétrolière insuffisamment créatrice de valeur ajoutée. Cependant, l’entrée en crise d’un ordre économique et financier international émancipé des régulations constitue une opportunité au plan des choix économiques. Bien entendu, les deux principales variables d’ajustement des économies pétrolières demeurent le prix des hydrocarbures et la rémunération du capital, c’est-à-dire deux variables exogènes, sur lesquelles les États concernés n’ont eu dans le passé que peu de prise. Mais les nouveaux cycles économiques peuvent favoriser différentes évolutions. Nous en présenterons trois, dans le cadre de cette contribution. Une première orientation irait dans le sens d’un approfondissement des liens entre les États et l’économie des hydrocarbures, avec un resserrement des relations entre les compagnies publiques des pays producteurs et les grandes compagnies internationales, au sein d’un modèle coopératif qui contribuerait à mutualiser les risques et les gains de l’industrie pétrolière et à améliorer pour les pays producteurs l’appropriation du processus d’innovation propre à cette activité. Le second scénario pourrait être un modèle de développement fondé sur l’initiative privée, la libéralisation et la décentralisation des décisions d’investissement et de production, avec la mise en œuvre d’un processus d’industrialisation tiré par le secteur privé et orienté, selon la capacité d’absorption des pays concernés, vers le marché intérieur ou/et les débouchés extérieurs. Le troisième scénario qui est examiné ici consiste à évaluer l’impact d’un infléchissement des échanges avec l’Union européenne vers un commerce de coopération, ainsi que les promesses des unions régionales que ce commerce de coopération pourrait favoriser.