Entre perpétuation et historisation : un « passé qui ne veut pas passer »

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En 1983, le philosophe Hermann Lübbe émettait à l’occasion du cinquantième anniversaire de la prise du pouvoir par Hitler l’hypothèse que le passé nazi n’obéissait pas aux lois qui régissent ordinairement les événements historiques, puisqu’au lieu de s’estomper avec le temps ce passé ne semblait cesser de gagner en importance d’une commémoration à l’autre. De fait, la présence persistante, voire croissante, de ce passé dans l’actualité de la République fédérale confirme apparemment cette idée d’un « passé qui ne veut pas passer », selon le titre de l’article d’Ernst Nolte qui sera à l’origine de la « Querelle des historiens » de 1986 – voire d’un présent transformé en passé, puisque l’on peut y voir aussi la manifestation d’un des aspects temporels de la culture moderne, à savoir la muséification du présent.Il semble toutefois que cette hypothèse se nourrisse surtout du désir de voir enfin ce temps révolu, c’est-à-dire de le voir quitter le présent pour prendre place dans l’histoire, et mettre ainsi fin à une fixation d’une durée entre temps déjà quintuple des douze années de son objet, ce qui est certes peu au regard de la longue durée de l’historien mais beaucoup au regard de la durée individuelle.Il semble même que ce soit précisément la volonté de vouloir marquer une rupture radicale en 1945, l’« année zéro » censée remettre en quelque sorte les pendules à l’heure, puis de vouloir mettre un terme à cet interminable passé à de nombreuses reprises par la suite, qui en ait provoqué la pérennisation. On peut en effet non seulement montrer que le retour du passé dans le présent est fonction de l’intensité avec laquelle on a voulu sinon l’abolir, du moins le circonscrire, mais que le temps écoulé est la condition même de ce retour.