Les lois de la terre : territoires, souverainetés autochtones et extractivismes en Amazonie péruvienne

Résumé Fr En

Dans cet article nous étudions les effets sociologiques et politiques de l’usage des lois relatives à la propriété foncière par deux peuples autochtones d’Amazonie péruvienne, les Kakataibo et les Wampis, dans un contexte d’intense compétition entre ces peuples, l’État et les entreprises extractives pour l’accès à la terre et à ses ressources naturelles. Nous montrons que les volontés des populations autochtones de défendre leurs territoires, légitimées désormais par des cadres juridiques nationaux et internationaux, conduisent parfois à l’expression d’un agir politique pouvant défier la souveraineté de l’État péruvien. À partir de nos enquêtes ethnographiques, nous proposons une réflexion sur la notion de souveraineté pour montrer qu’elle ne peut pas être conçue comme un attribut par essence et universel d’une entité politique, mais plutôt comme un agir politique spécifique s’exprimant dans certains contextes en fonction des cadres juridiques en vigueur, et de la capacité des membres du groupe à s’unifier et à s’accorder sur une même décision. En historicisant les revendications territoriales autochtones de cette partie de l’Amazonie, il s’agit de reconnaître l’origine européenne et juridique du concept de souveraineté, dont certains universitaires et intellectuels autochtones dénoncent l’eurocentrisme, tout en donnant à voir la manière dont les communautés wampis et kakataibo s’emparent des cadres légaux pour faire valoir leurs droits territoriaux et leur autorité. L’enjeu est de contribuer au renouveau de l’anthropologie politique de la région et d’offrir un tableau nuancé des réalités et des volontés politiques autochtones.

‪This article explores the sociological and political effects of the use of land property laws by two indigenous peoples of the Peruvian Amazon, the Kakataibo and the Wampis, in a context of intense competition between these peoples, the State and extractive companies for access to land and its resources. We show that the determination of native populations to defend their territories, now legitimized by national and international legal frameworks, sometimes leads to the expression of political action that can challenge the sovereignty of the Peruvian State. The article proposes a reflection on the notion of sovereignty, which our ethnographic cases show cannot be conceived as an essential and universal attribute of a political entity. It is rather the result of a specific political action expressed in certain contexts, depending on the legal frameworks in force, and on the capability of the members of the group to unify and agree on the same decision. By historicizing the indigenous territorial claims of this part of the Amazon, the aim is to recognize the European and legal origin of the concept of sovereignty, which has been denounced by some Indigenous academics and intellectuals for its Eurocentrism and to show how Wampis and Kakataibo communities take up the legal frameworks to assert their territorial rights and their authority. This research aims to contribute to the renewal of political anthropology in the region and to offer a nuanced view of indigenous populations’ political realities and will.‪

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