1 décembre 2023
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Elodie Boissard, « Concevoir l'humeur dépressive pour comprendre la dépression : psychiatrie et philosophie des états affectifs », HAL-SHS : philosophie, ID : 10670/1.mqk7ez
Dans cette thèse, j’interroge la notion d’« humeur dépressive », en tant que symptômehistoriquement central et distinctif de la dépression. Originellement vue comme un troubleaffectif, la dépression fait aussi aujourd’hui l’objet de modèles comportementaux ou cognitifs.De plus, comme nous manquons d’une conception consensuelle de ce que sont les troublespsychiatriques, une conception de ce qui rend un épisode dépressif « pathologique » faitdéfaut, au-delà de ses critères cliniques. La dépression est-elle bien un trouble affectif, untrouble de l’humeur ? Si oui, qu’est-ce qui la différencie d’une humeur dépressive nonproblématique ? L’objectif est d’améliorer notre compréhension de ce trouble psychiatriquegrâce à un apport en philosophie. Je mène un travail d’histoire conceptuelle, et d’analyseconceptuelle en philosophie des états affectifs et philosophie de la psychiatrie, sur la notiond’« humeur dépressive », pour caractériser le versant affectif de l’état dépressif, déterminer lamanière dont il s’articule aux autres versants de l’état dépressif, et en quel sens ce dernier peutêtre « pathologique ». Je retrace une histoire conceptuelle de la caractérisation clinique duversant affectif des états dépressifs dans la psychiatrie française, depuis l’aliénisme jusqu’à lapsychiatrie contemporaine, qui montre notamment que ce versant affectif ne se réduit pas à latristesse. Je formule ensuite une théorie fonctionnaliste de l’humeur dépressive en philosophiedes états affectifs, en termes de « croyances dépressives actives », dans laquelle cette humeurse définit comme un état affectif qui a pour effet distinctif sur les états mentaux de recruter etd’amener des croyances dépressives à se manifester. Ce sont des croyances pessimistes,défaitistes et auto-dévalorisantes quant à la possibilité d’atteindre une situation de satisfactionde ses aspirations. Enfin, je défends une théorie cognitive de la dépression en termes de« croyances dépressives auto-réalisatrices ». Ces croyances sont rendues particulièrementpréjudiciables par une modulation de leur rôle fonctionnel par une humeur dépressivepersistante. Le préjudice consiste dans ce que l’état dépressif global induit conjointement parcette humeur et ces croyances dépressives entraîne une incapacité à mobiliser certainescapacités psychologiques nécessaires pour chercher à satisfaire ses aspirations : je le formuledans les termes d’une incapacité de second-ordre à atteindre un bien-être minimal, adaptantainsi à la dépression la conception du « pathologique » élaborée par Nordenfelt (2000) enphilosophie de la psychiatrie. Cette incapacité correspond à une autoréalisation des croyancesdépressives, sous la contrainte de l’humeur dépressive.