2018
Cairn
Roseline Letteron, « L’accès numérique au droit », Annales des Mines - Enjeux numériques, ID : 10670/1.mt3sbg
L’accès au droit renvoie à l’idée d’une transparence de la règle de droit et de la manière dont elle est interprétée par les juges. Si l’accès numérique aux textes écrits, lois et décrets, est mis en œuvre avec Légifrance, l’open data des décisions de justice est encore parcellaire et inabouti. Consacré par la loi Lemaire pour une République numérique de 2016, il bouscule les traditions en mettant en cause la suprématie des cours suprêmes dans le contrôle de la jurisprudence, y compris celle des juges du fond. En imposant un anonymat et une prévention de la réidentification des plaideurs et parties, il risque aussi, à terme, de susciter des décisions de justice plus abstraites, détachées de l’appréciation des faits. Surtout, l’open data interroge notre vision de la justice en laissant entrevoir l’évolution vers une « justice prédictive », les décisions étant rendues par ordinateur à partir d’une modélisation des précédents. Au-delà d’une atteinte au principe de l’examen individuel du dossier et de son incapacité de prendre en considération les éléments les plus subtils de la motivation de la décision, la justice prédictive se caractérise par son caractère conservateur. Entièrement tournée vers le passé, elle risque en effet de scléroser toute évolution jurisprudentielle et de conduire à un droit statique et rigide.