2024
Cairn
Emmanuel Falque, « Le baiser de Satan : lecture de Bernanos », Transversalités, ID : 10670/1.mwhkgi
On voudrait vivre « sous le soleil de Dieu » (Ecc. 8,15), mais on se découvre Sous le soleil de Satan. Nul plus que Bernanos ne l’a vu, et aussi ne l’a su – car la littérature atteint ce que ni la philosophie ni la théologie ne savent dire, en particulier pour ce qui est du tourment du mal. Caché sous la figure du « maquignon picard », et donc d’un homme ordinaire, le diable ne se laisse pas voir ; il aime plutôt à se déguiser. Il n’y a pas le mal d’un côté et le bien de l’autre chez Bernanos, mais plutôt « le mal sous la figure du bien ». Telle est sa suprême ruse, et aussi sa plus sûre manière de nous percer à jour. Brouillant les frontières, se faisant passer pour personne alors qu’il est quelqu’un, préférant le « Froid » de la glace au chaud des flammes, et (se) couchant avec l’abbé Donissan pour lui ôter son souffle, Satan nous guette toujours – moins pour se montrer que pour nous piéger. Une « lecture philosophique » de ces pages fulgurantes de Sous le soleil de Satan (rencontre de l’abbé Donissan avec le maquignon picard) élèvera Bernanos au rang des plus grands penseurs catholiques. Nul n’en avait douté. Mais le lire, et le relire, permet de le confirmer.