11 décembre 2017
http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/ , info:eu-repo/semantics/OpenAccess
Benoît Pouget, « « UN CHOC DE CIRCULATIONS »LA MARINE FRANÇAISE FACE AU CHOLÉRA EN MÉDITERRANÉE(1831-1856)MÉDECINE NAVALE, GÉOSTRATÉGIE ET IMPÉRIALISME SANITAIRE », HAL-SHS : histoire, philosophie et sociologie des sciences et des techniques, ID : 10670/1.n1f84v
Le choléra, « épreuve cruciale et révélatrice […] pour apprécier la valeur intellectuelle et le courage des officiers de santé de la Marine », selon l’expression de Jacques Léonard, met au défi la Marine française dans son ensemble. Le choléra est une épreuve qui interroge l’instrument naval français et ses actions au-delà des seules problématiques de l’hygiène navale ou de la contribution des navigations à la diffusion de l’épidémie. Il est à la fois une épreuve de terrain, locale, collective comme individuelle, et un enjeu de relations internationales. Il requiert un engagement constant et en profondeur de la part du service de santé des Armées en général, de la Marine en particulier. Il contribue à la fragilisation d’un espace méditerranéen en pleine recomposition alors que la France de l’après 1815 cherche à y saisir des opportunités pour peser à nouveau dans le concert des nations à travers une plus grande implication dans les crises qui secouent sa façade méridionale. Cette politique offensive, faite de diplomatie conventionnelle et d’interventions militaires, de défense des intérêts commerciaux et de relance d’une politique expansionniste sinon impérialiste, repose en partie sur la sollicitation de forces navales en cours de relèvement. En proposant une étude sur la confrontation entre la puissance navale française en Méditerranée et la circulation du choléra entre 1831 et 1856, il s’agit de comprendre, essentiellement à travers un regard naval, comment, au-delà du péril majeur que ces épidémies successives constituent pour la santé publique en France et en Méditerranée, elles en viennent à représenter une formidable opportunité offerte à la France de s’affirmer comme une puissance sanitaire de premier plan, alors que se préparent deux premières conférences sanitaires internationales de Paris (1851 et 1859) . L’histoire de la confrontation entre la Marine française et le choléra est celle d’un combat au ras des flots, et à l’échelle humaine, sur le front cholérique naval. Au-delà de l’épreuve humaine et scientifique qu’il représente, des sommes de combats individuels et de mobilisations spécifiques des personnels soignants qu’il suscite, le choléra représente toujours – quelle que soit l’intensité de sa manifestation – une entrave au bon déroulement des missions assignées à la Marine française en Méditerranée. Il oblige la Marine à adapter ses modes de prise en charge médicale et ses stratégies sanitaires. Il révèle les efforts français pour élaborer un espace maritime sanitaire national unifié reposant sur une réglementation sanitaire elle-même articulée autour du principe des quarantaines. En plus de sa contribution à la défense de l’intégrité cholérique du pays, la Marine participe à la projection d’un expansionnisme sanitaire français patinée d’impérialisme (ou inversement). Il repose sur l’élargissement à l’Algérie de l’espace maritime sanitaire français et sur la tentative, par une diplomatie active sur le terrain, de construire un espace d’influence sanitaire en Méditerranée.