2021
Cairn
Philippe Askenazy, « Les 35 heures en France : pourquoi sont-elles toujours en débat ? », Dynamiques régionales, ID : 10670/1.n2its3
Un quart de siècle après leurs votes, les lois Aubry sur les « 35 heures » en France demeurent sujets de vifs débats et controverses. Positions idéologiques et arguments théoriques trouvent leurs racines dans la loi des 40 heures du Front Populaire de 1936, puis la dénonciation de l’esprit de jouissance par le régime de Vichy. Mais si le discours politique est polarisé, la pratique au pouvoir de la droite ou de la gauche est bien plus ambiguë. Même si elles ont été paramétrées selon une approche néo-classique, les lois Aubry demeurent la politique la plus ambitieuse en matière de temps de travail depuis 1945 en France. Elles portent non seulement une réduction de la durée collective de travail mais aussi une remise à plat des temps travaillés, accompagnés de nombreuses innovations offrant flexibilité aux entreprises et plus rarement aux salariés. Leur application sur les lieux de travail tant dans le secteur privé que dans le secteur public est extrêmement hétérogène. Par leur ampleur (hormis pour les enseignants qui n’en bénéficient pas), les « 35 heures » ont impacté les temps hors travail, renforçant gradients sociaux et de genre. Malgré la persistance de vives controverses, le bilan économique est moins marqué, avec des créations-sauvegardes d’emplois modérées et un impact probablement limité sur la compétitivité et les finances publiques françaises.