2014
Elise Tancoigne et al., « Evaluer les capacités de la taxonomie: une pratique révélatrice de son inscription scientifique et politique », HAL-SHS : sociologie, ID : 10670/1.n8h9gp
Le travail présenté ici est une analyse de la dynamique de quantification de l'état de la taxonomie depuis 1992, date d'entrée en vigueur de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB). Nous rappelons le statut qu'a pris la taxonomie durant les années 90 avec l'émergence de la Biodiversité et de sa mise en politique. L'évaluation des capacités taxonomiques est ainsi devenue l'objet de reporting au sein de la Convention et plus particulièrement de la Global Taxonomy Initiative qui, reconnaissant le handicap taxonomique, a depuis lors pour objectif de proposer des solutions d'amélioration après analyse des capacités taxonomiques dans les différents pays signataires. Après un examen des rapports d'évaluation issus de la CDB, nous avons constitué un corpus d'études d'évaluations quantitatives de tous horizons afin d'en analyser le contenu, en rapport avec les conditions de production et ainsi de comprendre, par l'analyse géographique et disciplinaire de la production, d'une part les logiques présidant à la réalisation de ces études et d'autre part les déterminants des discours portés sur la taxonomie. Nous montrons en premier lieu les difficultés rencontrées par la GTI dans la réalisation des objectifs qu'elle s'est fixé, difficultés que nous pouvons tout autant attribuer à des raisons structurelles et matérielles, tant de la GTI que de la taxonomie, qu'aux reconfigurations en cours autour du barcoding. Nous mettons en évidence deux logiques sous-jacentes à la réalisation des évaluations : d'une part, la volonté d'acteurs de certains pays de maintenir les capacités héritées de l'histoire, et d'autre part, l'affirmation de quelques nouvelles puissances fortement concernées par la Biodiversité (Brésil, Afrique du Sud...) sur la scène internationale. Nous montrons également que les évaluations quantitatives mettent en avant une taxonomie avant tout au service du reste de la science et particulièrement de la conservation de la Biodiversité, et que cette image de prestataire ne prend pas en compte la spécificité du milieu dans lequel la taxonomie prend place – le milieu scientifique. Cette inadéquation entre profil recherché et profil existant de taxonomiste pose la question de l'efficacité des mesures employées au niveau international pour résoudre le handicap taxonomique. Nous discutons de cette question de la légitimité scientifique de la taxonomie, que l'on retrouve fréquemment dans l'histoire de la discipline. Enfin, la confrontation de ces résultats permet enfin d'identifier l'imbrication étroite qui existe entre la question centrale de la légitimité scientifique de la taxonomie, des reconfigurations technologiques et les enjeux de traitement des asymétries Nord-Sud