La marche à pied pour les séniors, un mode de déplacement « durable » ?

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2014

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Florence Huguenin-Richard et al., « La marche à pied pour les séniors, un mode de déplacement « durable » ? », HAL-SHS : géographie, ID : 10670/1.neuiqd


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Longtemps délaissée, aujourd’hui revalorisée, la marche à pied s’impose dans les pratiquesde mobilité quotidienne comme alternative à l’automobile tout à la fois bénéfique pourl’environnement, l’urbanité et la santé des individus. Qu’en est-il chez les séniors : de leurspratiques fines de déplacement à pied, de leurs besoins spécifiques, de leurs contraintes,des situations de gêne ou des incapacités liées à l’âge, de leurs difficultés à traverser larue ? Le projet MAPISE enquête sur les composantes stratégiques (choix de l’itinéraire) ettactiques (comportements de traversée) des cheminements à pied des personnes de plusde 65 ans en milieu urbain (à Lille), en lien avec l'auto-évaluation de leurs proprescompétences et état de santé ainsi que la qualité/sécurité des espaces de marche.L’originalité de cette recherche provient de son approche pluridisciplinaire, constituant uncadre d’analyse novateur dans le domaine de la sécurité et de la mobilité. En effet, dansMAPISE sont mises en lien des analyses sur les : déterminants psychosociologiques des comportements et des pratiques demobilité ; déterminants géographiques (distances parcourues, temps de parcours, itinérairesréalisés en lien avec les caractéristiques de la voirie et des lieux de traversée).La méthodologie repose sur un important travail d’enquêtes de terrain, couplé à unecartographie de trajets pédestres au sein d’une base de données géographiques (sousArcGIS). Le protocole mis en place combine des méthodes quantitatives et d’autres plusqualitatives.Une autre particularité de MAPISE réside dans la prise en compte : de la perception que les personnes enquêtées se font elles-mêmes de leurcomportements de marche et de leur état de santé, tant au niveau physique quecognitif ; de la qualité de l’environnement à travers la cartographie d’un potentiel de marche(mise en place pour cela d’une grille d’évaluation des aménagements de voirie entermes de de sécurité routière, de sûreté personnelle, d’accessibilité, d’attractivitéet d’agrément).Conformément aux données de mobilité existantes par ailleurs, les déplacements à pieddes séniors interrogés dans MAPISE se révèlent contrariés par le vieillissement. Avecl’avancée en âge, la marche diminue en pratique et en vitesse, les difficultés perçuesaugmentent, notamment pour traverser la rue, la fréquence des chutes dans l’espace publicet les accidents de la circulation également.Un travail d'observation en milieu réel des comportements de traversées de rues surpassages piétons régulés par des feux (trafic et piéton) fait apparaître une plus grandeprudence avec l'âge : sur les 422 individus observés, les comportements des piétons âgésétaient plus souvent conformes aux règles légales en vigueur. En revanche, cescomportements n'étaient pas forcément toujours bien adaptés aux conditions réelles detrafic et d'infrastructure. En premier lieu, les piétons âgés observés marchaient bien pluslentement et étaient plus souvent encombrés (cabas de courses). La plus grande prudenceavec l'âge tenait avant tout à la plus grande sécurité des pratiques observées : les piétons 5âgés couraient moins souvent à l'approche de la bordure du trottoir et en traversant ; ilsregardaient plus souvent le feu avant de traverser, et attendaient plus souvent sur letrottoir que sur la chaussée. Ils regardaient par contre plus souvent le sol avant detraverser et moins le trafic à l'approche. Au final, il apparaît de ces analyses que les piétonsâgés délèguent la responsabilité de leurs comportements et de leurs propres choix auxconducteurs à l'approche et à l'infrastructure, pour compenser semble-t-il leurs difficultésmotrices, sensorielles et cognitives liées à l'avancée normale en âge.Certains présupposés du projet MAPISE sont confortés par ces résultats : c’est moins l’âgeen tant que tel qui semble jouer un rôle dans les choix et pratiques de déplacement desséniors que la perception de l’état de santé général par la personne elle-même ou un tiers,et que ses capacités réelles à marcher. Deux groupes de séniors apparaissent : les jeunesseniors (en bonne santé, encore très mobiles, et dont les comportements sont proches deceux des adultes d’âge moyen) et les seniors très âgés (plus limités dans leur mobilité etleur autonomie).Les données issues de 277 suivis furtifs dans la ville de Lille vont également dans le sensd'une certaine prudence avec l'avancée en âge. En effet, nous n'observons pas d'effetprincipal de l'âge sur les comportements de traversées non conformes, c’est à dire lestraversées dont les distances au passage piéton sont comprises entre 5 et 49 mètres, lalégislation française obligeant les piétons à emprunter le passage piéton pour traverser s’ils’en trouve un à moins de 50 mètres. Les piétons âgés ne choisissent donc pas de se mettreen danger eux-mêmes pour aller au plus court chemin. On note des différences liées ausexe, mais globalement pas d'imprudence majeure avec l'âge.L'ensemble de ces données, s'il peut paraître contre-intuitif, n'est pas en contradiction avecles données d'accidentologie ou les travaux expérimentaux menés en laboratoire. Nosdonnées montrent que, dans le contexte réel de mobilité, les piétons âgés compensentleurs difficultés et déclins sensoriels, cognitifs, et moteurs inhérents au processus normald'avancée en âge, en adoptant des comportements prudents, le plus souvent possible. Parexemple, lorsqu'un passage piéton régulé par des feux se trouve sur leur trajectoire, ilsl'empruntent, et y respectent les règles.En parallèle à ces résultats sur les comportements individuels, MAPISE avait aussi pourobjectif d’établir un portrait des environnements de marche à la fois selon les perceptionsdes aînés (questionnaire long) et en fonction de critères objectifs et facilement observableslors de visites sur le terrain (audit). A priori, les perceptions de l’environnement desséniors de MAPISE apparaissent plutôt positives, ceux-ci évoluant peut-être dans unenvironnement urbain plutôt convivial en général pour des adultes bien portants. Ils ydénoncent non pas l’aménagement des espaces piétons, sauf pour le manque de bancs et depropreté à certains endroits, mais plutôt le trafic automobile, les vitesses pratiquées et lemanque de respect des conducteurs. En complément à ces perceptions, l’audit effectué sevoulait directement en lien avec les besoins des personnes âgées et propose l’évaluation del’aménagement de l’espace piéton sous cinq rubriques : sécurité routière, sureté 6personnelle, accessibilité, attractivité et agrément. Ces cinq rubriques ont par la suite étéadditionnées en un indicateur global de marchabilité (ou potentiel piétonnier).Cette observation exhaustive d’items spécifiques reconnus pour favoriser la marche à lafois chez les séniors et dans la population en général a permis d’établir une cartographiefine du potentiel piétonnier de deux sites d’étude, à Lille-Wazemmes et LommeLambersart.Cette cartographie révèle les forces et les faiblesses de l’environnement piétonemprunté par les séniors au quotidien, avec le souci de la prise en compte de leurvieillissement et des conséquences que cela peut avoir sur leur état de marcheur : équilibreplus précaire, nécessité de se reposer sur le trajet, choix de passages piéton régulés (en lienavec les résultats présentés précédemment). Il en ressort que trois éléments de l’espacepiéton ont un fort impact sur la marchabilité : 1) la présence et l’aménagement de traverséeassurant une plus courte distance entre les deux trottoirs. La présence de traverséesmarquées au sol ou surélevées, d’avancées de trottoirs, de bollards pour bien délimiter ledébut et la fin de la traversée et une bonne visibilité aux abords de la traversée sont tousdes éléments qui font une différence pour un piéton sénior ; 2) l’absence d’encombrementde toutes sortes sur le trottoir, réduisant d’autant la place dédiée au piéton, permettant decroiser un autre piéton sans craindre de se faire bousculer. En ce sens, la présence parfoisrécurrente de stationnement sauvage à cheval sur le trottoir dans de petites ruesrésidentielles confère de faibles notes de marchabilité à ces espaces autrement plusattractifs pour des séniors en perte de motricité que les grandes artères commerciales, depar leur faible achalandage piéton ; 3) Le type de matériau et la qualité du revêtement destrottoirs s’impose aussi comme un élément important, notamment pour la continuité destrajets empruntés (passer d’un tronçon à l’autre sans avoir à changer son rythme demarche en raison d’un pavé ou autre déformation du trottoir), mais aussi pour la questionde l’équilibre, en lien étroit avec la peur de chuter rapporté par certains séniors lorsd’entretiens pré-test.D’ailleurs, parmi les facteurs de renoncement à la mobilité qui émergent en l’état actuel desconnaissances, chez les piétons âgés, ce sentiment de « peur » revient souvent (peur dechuter, peur d’être importuner ou bousculer, peur de manquer de temps pour traverser,peur de l’autre) ; corollaire certainement d’une plus grande vulnérabilité ressentie. Celaconstitue une piste de recherche nouvelle

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